Nous débutons aujourd’hui une nouvelle série d’articles après avoir clôt en octobre 2023 #LaProportionnelleEn100Mots, 53 textes sur la diversité de la proportionnelle, son histoire, ses modalités ou encore ses applications dans le monde. Désormais, nous allons nous pencher de manière plus attentive et plus longue sur les modalités. En étudiant des scénarii fictifs, la France n’ayant pas encore engagé une telle réforme, nous allons voir quels systèmes nous pourrions intégrer. Quel périmètre géographique pour les listes ? Quel seuil et quelle modalité de calcul pour la répartition des sièges ? Quelle flexibilité de vote pour les citoyennes et les citoyens ? Discuter d’une modalité permettra d’échanger sur d’autres, de nombreuses caractéristiques étant liées entre-elles comme le seuil, le style de liste et le nombre de sièges à répartir. A certaines occasions, nous pourrons combiner différents sujets, issus d’un même aspect comme le seuil naturel et le seuil évolutif, objet de ce premier article. Pour conclure sur cette présentation introductive de #LaProportionnelleEn12Modalités, comme pour de précédents articles de #LaProportionnelleEn100Mots, nous discuterons d’exemples étrangers. Comment ne pas parler de l’adoption du vote unique transférable ou d’un système compensatoire sans évoquer nos voisins irlandais et allemands ?
Seuils naturel et évolutif : que sont-ils ?
Pour débuter cette nouvelle série d’articles, nous allons parler des seuils naturel et évolutif. Bien que ces modèles peuvent être vus comme distants, nous pouvons effectuer certaines connexions intéressantes, démontrant la richesse de la proportionnelle. Nous pouvons avouer dès maintenant que combiner ces deux systèmes semble compliqué à l’heure actuelle en France, du fait par exemple de la multitude de partis politiques, notamment à gauche de l’échiquier politique. En quoi consistent-ils ? Nous les avions déjà présenté, mais nous allons les revoir de nouveau.
Le seuil naturel : Une élection est dite au seuil naturel lorsque la répartition des sièges s’effectue entre tous les partis ayant dépassé le score suivant : 100% divisé par le nombre de sièges. S’il y a 5 sièges, alors le seuil naturel est de 20%. S’il y en a 150 comme aux Pays-Bas, alors le seuil naturel est de 0,67%.
Le seuil évolutif : Le seuil évolutif peut être interprété selon des regards très différents. Le plus « commun » est l’application que font de la proportionnelle certains pays d’Europe centrale, pour ne citer qu’eux, comme la Slovaquie où selon le nombre de partis politiques alliés, le seuil de représentation varie. Si un parti concourt seul, il doit atteindre 5% des voix pour avoir une représentation parlementaire tandis que si la liste est composée de 2 ou 3 partis, ils devront avoir [ensemble] 7% des voix tandis qu’au-delà, il faut faire au moins 10%.
En ayant un raisonnement peu orthodoxe, nous pouvons voir le seuil évolutif comme un seuil tout à fait classique. En effet, si nous regardons la taille de nombreuses circonscriptions, dans de nombreux cas, atteindre le seuil officiel ne permet pas d’être représenté. Lorsque nous avons présenté les circonscriptions interrégionales, utilisées aux européennes françaises de 2004 à 2014, nous avons évoqué ce fait. Les 6,38% du Front de Gauche dans la circonscription Nord-Ouest, composée de 10 sièges, ne lui ont pas permis d’envoyer un représentant au Parlement Européen en 2014. Ce fut également le cas pour les 9,64% de la liste Front National en 2004 pour la circonscription de 6 sièges Massif Central – Centre. Aux dernières générales espagnoles, Sumar n’a pas eu de siège malgré ses 14,3% dans la circonscription de Castellón, comportant 5 sièges. Pour conclure sur ces quelques exemples, on estime par exemple que si nous adoptions le système départemental, il faudrait obtenir 7% dans un département envoyant 10 députés et 13% s’il y en a deux fois moins.
Désormais, parlons de l’introduction de l’un de ces seuils ou des deux dans nos élections. Même si nous ne l’abordons que peu, nous concentrant habituellement sur les seules élections législatives, nous pourrons toucher aussi ici aux autres scrutins : régionaux, départementaux et municipaux.
Notre Assemblée nationale : des scénarii aux multiples opportunités
Pour commencer pleinement notre article, regardons ce que l’adoption du seuil naturel ou du seuil évolutif ferait à la représentation de notre Assemblée nationale. A l’exception des élections législatives de 1986, aucune forme de proportionnelle n’a été utilisée, et celle-ci était loin d’être pure puisque sous format départemental. Nous enchaînons les scrutins majoritaires débouchant sur des hémicycles non représentatifs du vote des citoyennes et des citoyens au premier tour, y compris en 2022, bien que cette élection ait été qualifiée (à tort) de « proportionnelle ». Avant de nous appesantir vraiment sur le seuil naturel et le seuil évolutif dans le cadre des législatives, nous allons citer des modes que nous pourrions utiliser : circonscriptions avec des listes nationales compensatoires, circonscriptions avec des listes régionales régionales compensatoires, listes régionales avec seuil naturel, listes nationales avec seuil évolutif, listes départementales, circonscriptions départementales avec vote transférable, listes nationales avec seuil naturel,…
Elisons l’Assemblée au seuil naturel
Ici trois scénarii dont l’un se rapproche de manière extrêmement forte aux élections législatives de 1986 ainsi qu’aux propositions de réforme du scrutin législatif. En effet, pourrait être couplé le seuil naturel à un cadre départemental, entraînant de ce fait une limitation de ces effets. Rares sont les départements envoyant en nombre des députés, la plupart en ayant de 1 à 5, ce qui correspondrait à un seuil naturel minimal de 20% pour nombre de territoires. A moindre d’alliances, seuls les grands partis pourraient tirer leur épingle du jeu et nombre de courants idéologiques ne seraient pas ou peu représentés, contrevenant ainsi au principe même de la proportionnelle et de la juste représentation. Nous pouvons souligner ici l’importance des modalités de la proportionnelle : un principe juste de juste représentation mais pouvant être dévoyé par des aspects contraires tel que la prime majoritaire (défendue par certains courants et aujourd’hui appliqué aux élections régionales et municipales).
Avec une liste nationale, toute liste serait représentée tant qu’elle obtient 0,17% des voix dans le cas d’un maintien à 577 députés. Ainsi chaque courant politique aurait une chance d’être effectivement représenté dans toute sa richesse et sa diversité. En effectuant une comparaison peu orthodoxe, en dupliquant les résultats des européennes de 2019, cela aurait permis à des listes comme celles de Coordination nationale des indépendant, de Lutte Ouvrière ou des Patriotes d’être présents dans l’hémicycle. Nous aurions ici la proportionnelle la plus pure qui soit bien que d’aucun pourraient dire que certaines listes pourraient ne pas avoir de représentation parlementaire.
Ce score serait différent en fonction des régions : 1,03% en Île-de-France ce qui aurait par exemple permis au Parti Animaliste d’avoir 1 siège, 3,7% en Bretagne, 4,35% en Centre Val de Loire,… En ce qui concerne la région Corse et les territoires ultra-marins, ce seuil aurait été beaucoup plus élevé, à moindre qu’elles soient fusionnés en un ou plusieurs ensemble comme cela était le cas pour l’outre-mer aux européennes pré-2019 avec trois zones. De manière générale, les principales orientations politiques pourraient y être représentées voire même des mouvements plus locaux, présents dans certains territoires comme la Bretagne.
Petit focus sur un seuil évolutif aux législatives
Et si à l’image de pays d’Europe centrale et balkanique, nous élevions le seuil de représentativité en cas d’alliance de partis ? L’impact serait certainement bien plus grand au niveau régional, sans parler du niveau départemental, que nous passions de notre seuil classique des 5% ou à un seuil compris entre ce dernier et le seuil naturel. Plus un territoire envoie un nombre réduit de représentants, plus le seuil est élevé. Comme de nombreux cas, la question de la jauge serait extrêmement importante et impacterait d’autant plus la représentativité finale de l’Assemblée.
Régionales : un avenir inspiré des couleurs du passé ?
Il y a quelques élections régionales, le système utilisé était plus proportionnel que celui que nous connaissons actuellement. Dans un précédent article de #LaProportionnelleEn100Mots nous en avions présenté rapidement les modalités. Certains critères sont demeurés les mêmes tandis que d’autres ont évolué. Des élections de 1998 (dernières au précédent modèle) à celles de 2004 (premières du modèle actuel), nous avons conservé le principe de listes départementales et d’un seuil de 5%. Toutefois, nous avons introduit des critères plus restrictifs : un second tour avec un seuil de qualification au-dessus des 5% (à 10% en métropole et variable en outre-mer et Corse) et l’obligation de se présenter dans l’ensemble des départements. Nous pouvons également citer une autre évolution : auparavant, les sièges étaient répartis au niveau départemental entre les listes ayant dépassé 5% ; désormais il faut dépasser ce score au niveau régional.
Quid de régionales au seuil évolutif ?
Si le choix était fait d’un seuil évolutif, ce ne serait pas sans incohérence (regrettable selon notre humble avis), avec le principe des alliances engagées au second tour. En effet, et cela se voit majoritairement à gauche désormais, à l’issue du second tour des fusions de listes ont lieu. Toutefois, l’existence de petits partis / partis satellites font que dès le départ, des candidatures régionales intègrent de multiples partis. Par exemple, lors des élections de 2021 dans la Région Grand-Est, les deux principales listes de gauche réunissaient une douzaine de partis différents : d’un côté, les écologistes, les communistes et les socialistes ainsi que d’autres mouvements comme Nouvelle Donne et Génération Ecologie derrière la candidature d’Eliane Romani, de l’autre les sociaux-démocrates de Générations avec La France Insoumise, Place Publique ou encore les radicaux de gauche soutenant l’ancienne Ministre Aurélie Filippetti. Face à ces listes, d’autres rassemblements de partis avec par exemple, l’UDI et le Mouvement de la Ruralité derrière la liste LR du Président Jean Rottner ou encore l’union de la majorité présidentielle avec La République En Marche, le MoDem et d’autres partis étant désormais dissous au sein de Renaissance.
Se poserait du fait de ces nombreuses alliances, la question du nombre de partis au-delà duquel le seuil deviendrait plus important et des effets que cela pourrait entraîner, s’il devait être (très) élevé. Contrairement au seuil naturel, l’existence de seuils évolutifs restrictifs permettrait d’avoir quelques partis principaux représentés tandis que les autres perdraient en « influence ». En effet, et nous allons nous éloigner du contexte régional, si nous regardons nos voisins ayant la proportionnelle, ceux-ci n’ont qu’un nombre de partis assez limité représentés au Parlement ou dans certaines instances (à l’exception par exemple des Pays-Bas). En Allemagne, ils sont six : l’AFD (nationaux-conservateurs), la CDU et son antenne bavaroise de la CSU (chrétiens-démocrates), le FDP (libéraux-démocrates), Grüne (écologistes), SPD (sociaux-démocrates) et Linke (socialisme démocratique) ; auxquels nous pouvons ajouter dans une moindre mesure les Electeurs Libres (libéraux-conservateurs). D’autres partis existent mais obtiennent des scores très faibles au niveau des länder et fédéral.
Même si cela réduirait les chances de certains mouvements et alliances, un seuil évolutif dès le premier tour, avec en toute logique la suppression d’une prime de sièges (25% dans la majorité des cas) déboucherait sur des hémicycles régionaux plus représentatifs qu’aujourd’hui. Si nous reprenons l’exemple du Grand-Est, et que nous imaginons que des alliances d’au moins 5 partis doivent dépasser les 8%, alors la liste LR aurait eu 56 sièges, la liste RN 38 sièges, 26 pour la liste écologiste-communiste-socialiste, 20 pour la majorité présidentielle, 16 pour Générations/La France Insoumise et 13 pour Les Patriotes. A contrario, si ce seuil était passé par exemple à 10%, la liste Générations-LFI n’aurait pas été présente dans l’hémicycle contrairement à celle de Les Patriotes malgré un score moins élevé pour ceux-ci. Un exemple « similaire » aux élections slovaques de 2020 dont nous avons déjà parlé.
Des Conseils Régionaux au seuil naturel
Autre possibilité : passer d’élections de 2 tours à 1 tour sans véritable seuil. Que se passerait-il si désormais nous élisions nos conseillères et conseillers régionaux au seuil naturel, comme cela se fait aux Pays-Bas ? Spoiler : les hémicycles en deviendraient bien plus représentatifs même si en fonction des régions, certaines listes auraient plus de chances que d’autres d’avoir des sièges.
En effet, d’importantes disparités existent selon les régions, notamment quand nous regardons les territoires ultra-marins. Ce n’est pas la même chose de faire plus de 2% quand on se présente en Guadeloupe (2,44% du fait de 41 sièges) que de dépasser 0,48 ou 0,49% en Île de France ou en Auvergne Rhône-Alpes. Nous pouvons toutefois souligner que quelque soit le cas, il s’agit là de scores bien plus aisés à atteindre que les critères actuels et que la représentation finale serait bien plus proportionnelle. Par exemple, en Île de France sur les 5 listes n’ayant pas atteint les 5% (permettant de fusionner avec une liste en ayant fait au moins 10%), seule la liste d’union autour des fédéralistes européens de Volt aurait été absente in fine de l’hémicycle. Lutte Ouvrière, avec ses 1,47% aurait pu avoir 3 sièges, ce qui est certes peu mais aurait pu lui permettre de défendre ses idées à la région. A l’exception de la liste autour de la Présidente Valérie Pécresse, toutes auraient été gagnantes : des listes absent de l’hémicycle ayant de 1 à 4 sièges aux listes d’opposition gagnant de nombreux sièges. Du fait des 23 points d’écart entre les deux premières listes, la majorité relative de la liste de droite autour de cette dernière aurait été conséquente : 48 sièges environ.
Format région ou format département ?
En préambule de cette partie sur des régionales à la proportionnelle à 1 tour avec un seuil naturel ou évolutif, nous avons rappelé que sous de précédentes élections, la répartition des sièges ne s’effectuait qu’en fonction du score obtenu par la liste départementale. Il n’y avait même pas l’obligation de déposer des listes dans l’ensemble des départements.
Ici, la proportionnalité du scrutin serait différente si la répartition des sièges s’effectue en fonction du score départemental ou du score régional. Par exemple, une liste dans le format seuil évolutif dépassant par exemple les 8% dans 2 départements sur 5, pourrait n’avoir des sièges que dans ces territoires. Toutefois, avec un seuil naturel départemental, les 4 listes que nous citions plus haut n’auraient pu avoir de sièges du fait d’un nombre de sièges insuffisamment important. Pour la plus juste représentation des forces politiques, le format région serait donc le plus adapté tout en permettant le maintien d’une des règles actuelles ; répartition des sièges au niveau départemental au prorata des scores obtenus ; ce qui nécessiterait sans doute quelques calculs compliqués.
Une nouvelle ère pour les départementales ?
L’utilisation du seuil naturel ou du seuil évolutif révolutionnerait nos élections départementales d’autant plus que la proportionnelle en est totalement absente. Au contraire des élections municipales, régionales et européennes, les scrutins départementaux fonctionnent sur un scrutin majoritaire à deux tours de binômes paritaire. Nous avions vu, il y a bientôt 3 ans dans le cadre d’un thread sur X (anciennement Twitter) que le système actuel pouvait entraîner d’importantes distorsions entre le vote des électeurs au premier tour et la répartition finale des sièges. L’un des cas que nous avions évoqué était celui du Département des Yvelines, constitué uniquement de 2015 à 2021, d’élus de la majorité (absolue) départementale de droite et de centre-droit. Les dernières élections n’ont par ailleurs rien changé à cela.
Quand nous parlions ci-dessus des élections régionales, nous avions mis en avant la présence de multiples étiquettes politiques, notamment à gauche. La configuration des départementales est assez différente puisque le Ministère de l’Intérieur en reconnaît un nombre limité et que plusieurs sont considérées comme des « divers », principalement du côté gauche de la politique. Des binômes venant de partis différents peuvent être ainsi homologués comme des « union de la droite et du centre », « divers gauche » ou encore « union de la gauche et des écologistes ».
Comme précédemment, penchons-nous sur l’introduction de la proportionnelle avec ou bien un seuil naturel ou bien un seuil évolutif. Ce serait l’évolution d’un modèle étant arrivé en 2015 puisqu’auparavant, les Conseils Départementaux n’étaient pas paritaires et c’est bien l’unique avantage du modèle actuel, ayant mis fin aux élus uniques par cantons.
Seuil naturel : place à plus de choix, de diversité et de représentativité
Imaginons que nos conseils départementaux soient élus au scrutin de liste avec autant de candidates et candidats que de places à pourvoir (voire un petit surplus de suppléants comme cela se fait sur des élections de listes telles que les européennes ou les sénatoriales (hors scrutin majoritaire)). Pour obtenir une représentation, chaque liste devrait dépasser un seuil variant en fonction des départements et aurait un nombre de sièges en conséquence. En Corrèze, une liste obtiendrait une représentation d’au moins 1 conseiller, si elle dépasse 2,63% (38 sièges à pourvoir) tandis que dans la Collectivité Européenne d’Alsace ce seuil serait de 1,25% des voix (80 sièges). A moindre d’une réduction du nombre de conseillers dans chaque département, toute liste dépassant les 3,85% (26 élus en Lozère) serait assurée d’être représentée. Un seuil inférieur à notre tradition politique et pouvant permettre une importante diversité politique.
L’utilisation de ce système et plus encore de la proportionnelle aurait par exemple permis au Rassemblement National et à l’extrême-droite d’avoir plusieurs sièges au Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales. En 2021, ils ont obtenu au premier tour 29,14% des voix, soit 3 points de plus que les candidatures de droite (et de leurs alliés) et moins d’1 point que celles de la gauche. Pourtant, ils n’ont eu aucun siège contre 20 et 14 respectivement. Si la répartition peut être compliquée du fait de la diversité à gauche, ils auraient dû être la première force du département ou à part quasiment égale avec la gauche et devant la droite. Nous pouvons imaginer qu’ils auraient eu avec de telles règles un minimum de 10 sièges.
Nous souhaitons noter ici que l’exemple des départementales 2021 n’est pas forcément le plus adapté du fait de l’impact de la pandémie. Toutefois, l’impact de ce système sur la diversité des forces au sein des conseils départementaux aurait été majeur. Par ailleurs, certains partis et mouvements idéologiques pourraient tenter leur chance sans être tenu de se présenter dans le cadre d’alliances.
Un seuil évolutif aux départementales
Et si perdurait l’existence d’alliances entre partis aux élections départementales mais qu’une contrainte supplémentaire leur était posée ? En effet, plusieurs partis peuvent faire le choix de se présenter ensemble. Aujourd’hui, leur seule obligation est d’être dans les deux premiers binômes ou d’obtenir 12,5% des inscrits pour accéder au second tour. Quid désormais avec le passage à un tour unique de la mise en place d’un seuil évolutif ? Un score devant être dépassé par les listes d’alliances d’un certain nombre de partis. Par exemple, si trois partis s’unissaient aux départementales, ils devraient faire plus pour être représentés que celles à parti unique ou deux partis.
Nous pouvons dire des choses extrêmement variées à ce sujet. Premièrement, nous pouvons admettre, bien que nous considérons le seuil évolutif comme une distorsion du principe proportionnel, que ce système serait plus favorable au principe de justice électorale qu’aujourd’hui. Deuxièmement et de manière corrélée à la première, à moindre, d’un seuil exagérément très élevé, il pourrait y avoir une représentation riche idéologiquement.
Un chamboule tout aux municipales ?
Regardons désormais l’échelon le plus local, celui des municipalités. Contrairement aux législatives, régionales et départementales, plusieurs systèmes existent actuellement. Selon la taille des municipalités, les citoyennes et citoyens ne votent pas de la même manière. Dans les villes de moins de 1000 habitants, qui représentent les deux-tiers des communes françaises, le système majoritaire plurinominal est utilisé tandis que pour les autres communes, le système proportionnel plurinominal. Dans les deux cas, il s’agit d’un système à deux tours, sauf si la victoire (ou les victoires) est acquise dès le premier tour ce qui est généralement la norme. En 2020, les électrices et électeurs d’1 commune 7 ont dû se déplacer dans le cadre d’un second tour comme le rapporte le site Vie Publique.
Contrairement aux départementales, régionales et législatives, nombre de scrutins s’effectuent avec une seule liste, ce qui ici ne changerait rien. Quel que soit le système, l’ensemble des sièges reviennent à la liste unique, la proportionnelle intégrale, le système majoritaire ou le « vote préférentiel » n’y changeant rien. En présence de plusieurs listes, le scrutin municipal à la proportionnelle est loin d’être juste du fait de la prime majoritaire. Par exemple, un second tour avec 4 listes où celles font peu ou prou le même score, autour de 25%, verrait la liste arrivée en tête avoir près des deux-tiers des sièges. Un déséquilibre particulièrement parlant et ne correspondant en rien au suffrage des électrices et des électeurs.
L’introduction d’une proportionnelle intégrale, avec seuil naturel ou seuil évolutif révolutionnerait donc les élections municipales dans le cas où plusieurs listes soient présentes. La justice électorale serait de mise bien qu’il faille souligner que le seuil évolutif serait plus difficilement applicable. Une raison simple vient de l’absence d’étiquettes politiques dans un certain nombre de communes même si des partis peuvent soutenir des listes de manière plus ou moins éloignée. Il s’agit même d’un des faits les plus remarquables pour les élections municipales, l’étiquette joue un rôle moins phare que dans d’autres scrutins. Le seuil naturel permettrait dans les communes de plus de 3 500 habitants, ayant au moins 27 élus, d’élire des représentants de listes n’ayant pas atteint le seuil des 5% pour fusionner avec une liste en ayant fait au moins 10%.
Nous pouvons noter une particularité, présente également dans le scrutin régional. La liste arrivée en tête au premier tour n’est pas nécessairement celle obtenant la majorité des sièges au second tour. Ce fut le cas par exemple au Kremlin-Bicêtre (Val de Marne). La liste du maire sortant arrivée en tête avec 22,5% des voix a perdu au second tour contre son prédécesseur (19,3%) qui lui avait laissé la main et qui avait fusionné avec une autre liste. A elles deux, elles ont obtenu au second tour près de 70% des sièges alors qu’elles représentaient plus de deux fois moins de voix au premier tour. Par ailleurs, deux listes auraient pu être représentées au Conseil à travers le seuil naturel, l’une ayant fait plus de 5% et qui aurait pu fusionner.
En conclusion,…
En conclusion, en passant de nos systèmes actuels à un système au seuil naturel ou seuil évolutif, nos hémicycles municipaux, départementaux, régionaux et de l’Assemblée nationale en ressortiraient bien plus proches du vote des électrices et des électeurs. Le bémol classique serait avec l’adoption pour les législatives du modèle départemental 1986. Une diversité de représentantes et de représentants plus élevée, un déséquilibre des forces absents après par exemple la suppression des primes et des seconds tours. Le seuil naturel permettrait d’atteindre la quasi-perfection proportionnelle mais avantagerait les territoires les plus grands, par exemple si nous maintenions le même nombre d’élus dans les conseils régionaux, départementaux et municipaux actuels. Cependant le progrès serait incontestable. Des élections au seuil naturel ou au seuil évolutif seraient possibles comme le seraient des élections avec d’autres formes de juste représentation, certaines pouvant être cumulées entre-elles voire avec le seuil naturel ou évolutif comme le vote préférentiel ou le vote unique transférable.