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La proportionnelle néerlandaise en 100 mots

Les Pays-Bas utilisent une proportionnelle intégrale peu courante. L’élection de la Tweede Kamer se fait au seuil naturel. Ainsi, un parti pour disposer d’au moins 1 des 150 sièges doit recevoir une part équivalente de voix, soit 0,67%. Un seuil bien moindre que ceux pratiqués dans une majorité de pays, notamment de l’UE, à 4 ou 5%.

Cette modalité permet à des « partis témoignages » comme le Parti pour les Animaux depuis 2006, 50+ depuis 2012 ou le BBB depuis 2021 d’être représentés, parfois en nombre.

Par ailleurs, les électeurs peuvent également indiquer leur préférence pour une candidature sur la liste.

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Histoire & Elections

Proportionnelle et finalistes présidentiels : entre les lignes

Cet article est écrit par Valentin Guillaume et ne reflète pas forcément l’opinion de l’ensemble des membres de l’association.

Hourra ! Les partisans de la proportionnelle ont gagné ! Comme l’explique un article de Capital, les deux finalistes de l’élection présidentielle sont d’accord pour changer de mode de scrutin. C’est formidable, quel que soit le candidat qui gagnera, notre association va donc pouvoir se dissoudre tranquillement, après seulement une année d’existence. Quelle efficacité !

Sauf que… Les choses ne sont évidemment pas si simples. Il y a des problèmes et des questionnements des deux côtés. Et s’il fallait trouver un terme pour résumer les choses, ce serait : flou. Analysons les deux positionnements.

Chez Le Pen, prime rédhibitoire

Du côté de Marine Le Pen, il y a longtemps que la proportionnelle est proposée et avant elle c’était déjà présent dans les programmes de son père. C’est assez naturel : c’est le seul système qui leur permet d’avoir presque automatiquement des sièges, comme on l’a d’ailleurs vu en 1986. Soulignons qu’il n’y avait que des deux candidats à avoir mentionné la proportionnelle dans la propagande officielle reçue dans (presque) toutes les boîtes aux lettres de France : Marine Le Pen et Philippe Poutou. Elle en parle par ailleurs de manière très régulière dans ses interviews, comme certains de ses soutiens. Donc on sent un véritable attachement à la mesure.

Alors, où ça coince ? Eh bien dans le détail : a priori (je mets a priori, car évidemment il y a un énorme flou dessus dans le programme et aucun journaliste à ma connaissance n’a vraiment pris la peine de l’interroger à fond sur cette question), ce qui serait mis en place, c’est une proportionnelle intégrale pour les deux tiers des députés. Et le dernier tiers ? Ben il serait donné automatiquement au vainqueur. C’est un mécanisme qu’on connaît bien, on y a droit lors des élections municipales et régionales. La prime majoritaire, instituée en tout premier lieu par un certain Benito Mussolini, est utilisée dans exactement trois pays au monde : Arménie, Grèce et Saint-Marin. Et dans les trois cas, ce sont des petites primes, rien de comparable avec un tiers des députés.

Remarquons par ailleurs qu’elle souhaite intégrer le mode de scrutin au sein de la Constitution et qu’elle souhaiterait que sa réforme institutionnelle passe par référendum, qui sont deux excellents principes. Et pour élargir au reste du programme, la mise en place d’un Référendum d’Initiative Citoyenne, sur le modèle suisse, serait une excellente chose d’un point de vue démocratique.

Chez Macron, passif et frilosité

Pour Emmanuel Macron, c’est un poil plus complexe. Déjà, le premier point que je veux absolument souligner, c’est le fait qu’il a été au pouvoir pendant cinq ans et qu’il n’a pas mis en place la proportionnelle, alors que cela aurait été possible via une simple loi ordinaire. Mais, d’une certaine manière, on peut être satisfait que cela n’ait pas été fait, car sa promesse de 2017 consistait en la mise en place d’une simple dose de proportionnelle, ce qui aurait été une réponse bien trop faible par rapport à la crise démocratique que notre pays connaît depuis plusieurs années.

Dans cette campagne, il s’est de nouveau déclaré favorable à la proportionnelle et même, grande nouveauté, à la proportionnelle intégrale. Sauf qu’il renvoie absolument tous les détails de la mise en place de cette mesure fondamentale à une commission. Sauf que des commissions, des rapports, des études, on en a un paquet, maintenant il faut trancher ! Comment expliquer la frilosité du Président sortant sur cette question, un sujet qui touche directement le domaine présidentiel, alors qu’il rentre dans les micro-détails de très nombreux autres sujets ? C’est absolument incompréhensible.

Et pire encore, il fait une connexion absolument non pertinente entre la proportionnelle et la baisse du nombre de parlementaires, alors que ce sont des sujets qui n’ont aucun rapport l’un avec l’autre. Il l’a encore réaffirmé lors du dernier jour de campagne.

Remarquons que comme en 2017, le mot proportionnelle n’est pas présent dans son programme qui évoque tout de même la fameuse commission. Tout cela repose donc uniquement sur des prises de position orales. Vu que même quand les choses sont officiellement mises par écrit, cela n’est pas forcément suivi d’effet (je pense notamment au Canada et au Québec, où dans les deux cas les dirigeants actuels avaient promis la proportionnelle avant d’abandonner la mesure en rase campagne), on peut s’inquiéter de la mise en place concrète de la mesure.

Notons néanmoins la présence dans l’entourage du Président de personnes très actives dans ce domaine, notamment les membres du MoDem, qui ont de manière transpartisane voté la proposition de loi du groupe de la France Insoumise (qui concernait le modèle 86, une proportionnelle départementale).

Un futur incertain pour la proportionnelle

J’aurais adoré être extrêmement optimiste sur le sujet du mode de scrutin pour les prochains temps. Malheureusement, la lecture des faits tend à me rendre pessimiste. Surtout que même si une bonne proportionnelle (bonne dans le sens en accord avec la charte de notre association) était mise en place, cela ne serait appliqué qu’en 2027 (sauf dissolution avant cela évidemment). Nous allons donc subir pendant cinq de nouveau une Assemblée nationale non représentative du vote des Français.

Mais justement, cette future Assemblée, il est important d’avoir en tête que c’est concrètement elle qui votera les lois. Il est donc particulièrement important de participer au vote des législatives de juin prochain, et de voter notamment pour des candidats qui se seront prononcés pour (même si évidemment l’on peut avoir de très nombreuses autres raisons de voter pour tel ou tel candidat dans sa circonscription).

L’association Démocratie & Proportionnelle continuera de suivre de près les évolutions de la situation, en pensant notamment aux autres scrutins, car même si c’est fondamental pour les législatives, il faut penser aux autres échelons qui méritent également un mode de scrutin juste (et malheureusement il n’en aura pas du tout été question lors de ces élections).

Valentin Guillaume, Président de Démocratie & Proportionnelle

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Histoire & Elections

Position des candidats à l’élection présidentielle

Cette page évolutive est là pour fournir une information synthétique sur ce que pensent et proposent sur le sujet du mode de scrutin les candidats à l’élection présidentielle de 2022.

Nous faisons figurer sur cette page toute personne ayant reçu au moins dix parrainages validés par le Conseil constitutionnel, et le classement se fait par le nombre décroissant de parrainages reçus.

Si vous constatez une erreur, une imprécision ou un nouveau positionnement de l’une des ces personnes, n’hésitez pas à nous le faire savoir en nous envoyant un message.

Dernière mise à jour : 25 février 2022.

Valérie Pécresse (2271 parrainages)

Contre tout changement. Le programme de Valérie Pécresse n’évoque à aucun moment la possibilité de faire évoluer le mode de scrutin.

Emmanuel Macron (1544 parrainages)

Manque d’informations. Le président sortant (non candidat pour le moment) a eu cinq ans pour faire évoluer le mode de scrutin, qui était l’une de ses promesses de campagne. Cela n’a pas été fait, et pour le moment aucune élément programmatique n’a été dévoilé sur ce sujet-là.

Anne Hidalgo (1226 parrainages)

Pour la proportionnelle, mais de manière peu claire. Dans son programme pour 2022, la proportionnelle est évoquée. Il est fait mention d’un mode de scrutin mixte inspiré du modèle allemand. Nous nous interrogeons néanmoins pour savoir si ce qui est envisagé est vraiment le modèle allemand, c’est-à-dire avec double vote et compensation des sièges au niveau national, ou s’il s’agit uniquement d’élire une partie (même substantielle) des députés à la proportionnelle, mais sans compensation national.

Yannick Jadot (615 parrainages)

Pour la proportionnelle intégrale. Les écologistes sont traditionnellement pour la proportionnelle, il est donc logique que cette mesure figure dans le programme de Yannick Jadot. Le modèle utilisé reste néanmoins à définir.

Fabien Roussel (593 parrainages)

Pour la proportionnelle intégrale. Dans son programme pour 2022, la proportionnelle intégrale figure au point 133. Il n’y a pas de détails sur le modèle envisagé, en revanche la notion de parité est indiquée.

Jean Lassalle (579 parrainages)

Pour une dose. Durant sa campagne de 2017, Jean Lassalle (président de Résistons) proposait une petite dose de proportionnelle : 10% des députés. Nous ne savons pas ce qu’il propose cette année.

Nathalie Arthaud (562 parrainages)

Pour la proportionnelle intégrale à toutes les élections. Depuis 2012, Nathalie Arthaud s’est prononcé pour l’instauration de la proportionnelle intégrale à toutes les élections (mais sans donner de détails). Rien n’indique un changement de positionnement.

Jean-Luc Mélenchon (540 parrainages)

Pour la proportionnelle intégrale. La version 2020 de leur programme l’Avenir en commun prévoit l’élection de l’Assemblée nationale au scrutin proportionnel, mais sans détails.

Nicolas Dupont-Aignan (457 parrainages)

Pour une dose. En 2019, Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout la France) a déposé une proposition de loi visant à inclure une dose de 15% de députés élus à la proportionnelle. Dans son projet pour 2022, il augmente un peu cette dose, en voulant avoir 100 députés élus à la proportionnelle sur 500 (diminution de 77 députés proposée par ailleurs).

Éric Zemmour (415 parrainages)

Manque d’informations. Pour le moment, rien n’est évoqué dans son programme sur le sujet des réformes démocratiques à mener. Il semblerait qu’il soit contre la proportionnelle intégrale mais pas opposé à la mise en place d’une dose ou d’une prime majoritaire.

Marine Le Pen (414 parrainages)

Pour la proportionnelle mais avec une prime majoritaire. Dans le programme présidentiel de 2017 de Marine Le Pen, la proportionnelle figurait en bonne place, mais avec une prime majoritaire de 30 % des sièges pour la liste arrivée en tête (et un seuil de 5 % des suffrages pour obtenir des élus). Nous attendons de savoir ce qui sera proposé cette année.

François Asselineau (247 parrainages)

Pour une dose. Son programme pour 2022 inclut une phrase que l’on peut comprendre comme étant la mise en place d’une dose de proportionnelle : Introduire un système de proportionnelle partielle aux élections législatives.

Philippe Poutou (243 parrainages)

Pour la proportionnelle intégrale. Dans le programme présidentiel de 2017 de Philippe Poutou figurait déjà la proportionnelle intégrale, mais sans précisions. Rien n’indique un changement de positionnement.

Anasse Kazib (130 parrainages)

Pas d’informations. Dans son programme de 68 pages, le sujet du mode de scrutin n’est pas abordé.

Christiane Taubira (128 parrainages)

Manque d’informations. Dans son programme de 2002, elle proposait un maintien du système majoritaire pour l’élection des députés. Néanmoins, la proportionnelle aux législatives figure dans le Socle Commun de la Primaire Populaire qu’elle a remporté. Et signalons que le Parti Radical de Gauche qui a soutenu sa candidature jusqu’au 14 février propose une dose de 30% de députés élus à la proportionnelle.

Hélène Thouy (97 parrainages)

Pas d’informations. La candidature de Mme Thouy étant une candidature très thématisée autour du bien-être animal, il est possible qu’elle ne se prononce pas sur la question du mode de scrutin.

Gaspard Koenig (49 parrainages)

Pour la proportionnelle. Dans une tribune de février 2021, il se prononce pour le principe proportionnel, mais sans indiquer de préférence pour un système précis.

Georges Kuzmanovic (42 parrainages)

Pour une dose. Dans son programme, il est proposé que 25% des députés soient élus à la proportionnelle.

Clara Egger (24 parrainages)

Pas d’opinion. Sa candidature porte l’unique proposition d’un Référendum d’Initiative Citoyenne constituant. Elle ne se prononce donc sur aucun autre sujet.

Nicolas Miguet (18 parrainages)

Contre tout changement. Dans son programme de 2017, il ne souhaitait introduire aucun changement dans le mode d’élection des députés.

Antoine Martinez (11 parrainages)

Contre tout changement. Son programme n’évoque aucun changement des modes de scrutin.

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Pays

Prime majoritaire : le cas grec

Comme nous l’avons tous appris à l’école, la Grèce est le berceau de la démocratie (même s’il s’agissait d’une démocratie très incomplète via le prisme moderne). A l’époque, les Athéniens utilisaient la démocratie directe pour le vote des lois et de la plupart des autres décisions et le tirage au sort pour la plupart des fonctions exécutives.

De nos jours, la démocratie grecque rentre dans les standards des démocraties européennes. Un Parlement monocaméral constitué de 300 députés, un Gouvernement issu de ce Parlement, et également un Président au rôle purement représentatif élu par le Parlement. Mais il y a une particularité : pour l’élection des députés, un mode de scrutin mixte est utilisé, et il s’avère que celui-ci a fortement bougé ces dernières années. Explications.

Sans remonter trop loin, ces dernières années le mode d’élection des députés s’établissait ainsi : le parti arrivé en tête obtenait 50 députés d’emblée, et les 250 autres étaient répartis à la proportionnelle entre les partis ayant dépassé 3% des suffrages exprimés. Concrètement, il suffisait donc pour un parti d’obtenir 40,4% (voire moins suivant le pourcentage obtenus par les tout petits partis exclus du partage proportionnel) pour avoir la majorité absolue des sièges. Cela s’est produit à de nombreuses reprises au cours des années, les dernières fois ayant été en 2009 et en 2019.

C’est un mode de scrutin que nous connaissons bien en France, puisque nous l’employons pour les élections régionales et municipales. Mais il y a deux différences : pour ces deux élections, nous avons deux tours quand les Grecs règlent cela en un tour, et notre calcul s’effectue en pensant aux pourcentages tandis qu’eux ont fixé un nombre de sièges prédéfini. Nombre qui correspond, si on le transfère en pourcentage, à 16,66% des sièges, tandis qu’aux régionales françaises la prime s’élève à 25%, et aux municipales cela dépasse même les 50%.

Mais, après les élections de septembre 2015, le gouvernement dirigé par Aléxis Tsípras (SYRIZA, gauche) fait passer en juillet 2016 une loi réformant le mode de scrutin. L’élément le plus fondamental est la suppression de la prime majoritaire, sans changement du nombre total de députés (qui restent donc 300). Des élections se sont tenues en 2019, mais cette réforme n’a pas été appliquée, car il n’y a pas eu de vote à la majorité qualifiée des deux tiers. Elle s’appliquera aux prochaines élections, qui devraient se tenir en 2023.

Et l’histoire aurait pu s’arrêter là, avec la Grèce qui abandonne donc un système, la prime majoritaire, qui déforme clairement les résultats d’un scrutin de manière arbitraire. Notons qu’il s’agit d’un outil fort rare, qui n’est utilisé que dans une poignée de pays (nous y consacrerons prochainement un article général).

Mais à la suite des élections de 2019, le nouveau gouvernement dirigé par Kyriákos Mitsotákis (Nouvelle Démocratie, droite conservatrice) fait passer en janvier 2020 une nouvelle loi qui annule la mise en place de la proportionnelle intégrale. Ce n’est pas un rétablissement de l’ancien système avec une prime directe de 50 députés, c’est une prime progressive allant de 20 députés (si le parti arrivé en tête obtient 25% des suffrages) à 50 députés (si ce parti obtient 40% des sièges). Mais, comme il n’y a également pas eu de majorité qualifiée des deux tiers cette fois-ci, la mise en place de cette réforme n’aura lieu que pour les élections suivantes, théoriquement en 2027. Bien entendu, si une majorité progressiste gagne en 2023, cela peut encore bouger. Affaire à suivre donc.

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Le MoDem, héraut de la proportionnelle, entravé par la gouvernance

François Bayrou, le fondateur du Mouvement Démocrate (MoDem) est une figure historique de la défense de la proportionnelle. Dès sa campagne de 2007 (donc peu de temps avant la création du MoDem), il parlait d’élire la moitié des députés à la proportionnelle. Quelques mois plus tard, il défendait une variante de ce système : 10% des députés élus à la proportionnelle couplée à une proportionnelle corrective (un système inspiré du système allemand).

Lors de l’élection présidentielle de 2012, François Bayrou continuait de plaider pour un scrutin avec une dose de proportionnelle : réduction du nombre de députés (passer de 577 à 400) et 100 députés (un quart de l’Assemblée nationale) élus à la proportionnelle. Ce modèle basé sur une simple dose n’est évidemment pas satisfaisant, mais on ne peut que saluer la volonté de M. Bayrou de défendre le principe proportionnel sur le long terme, avec souvent des mots très justes (même si au final, les modèles qu’il propose ne sont pas toujours optimaux).

En 2017, lorsque François Bayrou a proposé au candidat Emmanuel Macron son ralliement, dans les 4 conditions posées figurait la proportionnelle. Remarquons qu’aucun détail n’était indiqué, et que le candidat Macron est toujours resté vague à ce sujet. Ce point n’a pas été officiellement inscrit dans le programme présidentiel, et quand il en était question, on parlait toujours de “dose”.

Au premier semestre 2021, la proportionnelle n’ayant pas été adoptée suite à l’abandon de la réforme constitutionnelle en 2018 où figurait la proportionnelle, le Mouvement Démocrate a engagé une offensive médiatique et politique sur le sujet à travers notamment le dépôt de deux propositions de lois à l’Assemblée Nationale. La première porte sur une dose de proportionnelle, avec un scrutin départemental pour les départements de 12 députés et plus. Une seconde proposition de loi, également déposée en février 2021 par le président du groupe MoDem Patrick Mignola, prévoit cette fois-ci une élection des députés à la proportionnelle dans l’ensemble des départements (le système utilisé en 1986). Ces deux propositions n’ont finalement pas été examinées. Remarquons en revanche que les députés MoDem ont soutenu la proposition de loi du groupe de La France Insoumise qui proposait également le système 86.

En mars 2021, Patrick Mignola, avec les responsables des deux autres groupes de députés de la majorité, annonce le report de la réforme pour un second quinquennat.

On le voit donc, les membres du MoDem sont convaincus de l’importance du sujet, font vivre cette question sur les plans médiatique et parlementaire avec souvent des arguments très justes, mais n’ont pas réussi à aboutir à un changement notable ces dernières années. Par ailleurs, on observe un manque de clarté sur le modèle à adopter, avec parfois le soutien à des modèles non complètement proportionnels (outre les modèles évoqués auparavant, citons le modèle Bourlanges, avec deux tours et une prime majoritaire, ce qui ne rentre pas du tout dans les critères d’un bon système proportionnel).

Par ailleurs, les Jeunes Démocrates, le mouvement de jeunesse du MoDem, ont défendu à plusieurs reprises la mise en place de la proportionnelle : en 2017 en évoquant deux modèles précis, une proportionnelle intégrale avec circonscriptions régionales et un modèle mixte s’inspirant du modèle allemand ; en 2021 dans le cadre de travaux sur la participation électorale.

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Histoire & Elections

Tribune en faveur de la proportionnelle aux élections régionales

Ce texte a été écrit à l’occasion des élections régionales de 2021.

Nous appelons au lancement d’une réflexion sur l’uniformisation des modes d’élections de nos différents élus à travers l’instauration de la proportionnelle intégrale afin d’apporter non seulement de la cohérence et de la clarté et mais également une juste représentation des électeurs à l’échelle du territoire concerné.

D’ici quelques semaines, les 20 et 27 juin, auront lieu les élections régionales et nous renouvellerons ainsi nos élus régionaux de métropole et d’outre-mer. A cette occasion, nous souhaitons lancer le débat sur l’équité du scrutin utilisé. S’il existe des débats autour des modes de scrutin, ceux-ci ne sont relatifs qu’aux élections législatives. Des médias aux institutions en passant par les partis et les experts/juristes/politologues, une modification du mode de désignation des élus municipaux, départementaux ou régionaux n’est qu’exceptionnellement évoquée.

En écartant les élections sénatoriales au suffrage indirect et les élections intercommunales ayant un régime particulier, nous comptons six élections auxquelles l’ensemble des françaises et des français peuvent participer : présidentielle, législatives, municipales, départementales et régionales, européennes. Scrutin proportionnel intégral à un tour, scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire de 50% des sièges, scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec seuil à 12,5%, scrutin proportionnel à deux tours avec prime minoritaire de 25% des sièges… La diversité est réelle et nuit à la bonne compréhension des électeurs.

Les conseils régionaux ont été créés en 1986. Lors des premières élections régionales, en 1986, 1992 et 1998, un mode de scrutin proportionnel a été utilisé, avec des listes départementales. Mais depuis 2004, un autre système est utilisé, qui présente une grande complexité, avec différents seuils arbitraires et le besoin d’organiser deux tours, et un manque de représentativité criant. Durant le mandat 2015-2021, dans deux grandes régions, seules deux listes ont été représentées au sein du conseil régional. De ce que nous voyons des sondages régionaux actuels, de nombreuses régions vont être dirigées par des majorités en trompe-l’œil, issues de listes ne rassemblant qu’une minorité des votants (sans même évoquer l’ensemble des électeurs potentiels, puisqu’une forte abstention est malheureusement à prévoir).

La prime majoritaire n’a aucune justification démocratique. Certes, depuis un siècle elle a été utilisée dans plusieurs pays, mais dorénavant elle n’existe plus que dans quelques lieux (quelques conseils régionaux italiens, quelques parlements locaux argentins, très légère prime à Saint-Marin).  Elle a été introduite de manière récente pour les conseils régionaux français, sous prétexte d’un besoin de stabilité, alors que de 1986 à 2004 peu de “remous” ont été constatés. Cette prime casse le principe même du scrutin proportionnel, en empêchant chaque liste d’obtenir le nombre de sièges qu’elle mérite par le vote des électeurs. Nous pensons donc qu’il faut purement et simplement supprimer cette prime.

Les deux tours constituent également une anomalie dans un scrutin proportionnel. Ils favorisent les manœuvres politiques de différentes manières, en éliminant les petites listes et en encourageant des tambouilles électorales peu appréciées des citoyens. Ils découragent aussi certains électeurs, puisqu’il faut se déplacer deux semaines de suite pour voter.

Les vrais scrutins proportionnels (à un tour et sans prime majoritaire) sont la norme lors des élections régionales des autres pays modernes. En Allemagne, les députés des différents länder sont élus à la proportionnelle intégrale (avec double vote comme au niveau fédéral). Aux Pays-Bas, les membres des assemblées provinciales sont élus à la proportionnelle intégrale (sans seuil, comme au niveau national). En Espagne, les membres des parlements des communautés autonomes sont élus à la proportionnelle intégrale. Nous pourrions donner de nombreux autres exemples.

Nous savons évidemment qu’il est bien trop tard pour changer les règles pour ces élections. Mais nous demandons que ce sujet soit réfléchi par les candidats, par les partis, et par les citoyens. C’est un sujet sérieux qui devrait faire partie des futurs programmes présidentiels et législatifs.