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#LaProportionnelleEn12Modalités : seuil naturel et seuil évolutif

Nous débutons aujourd’hui une nouvelle série d’articles après avoir clôt en octobre 2023 #LaProportionnelleEn100Mots, 53 textes sur la diversité de la proportionnelle, son histoire, ses modalités ou encore ses applications dans le monde. Désormais, nous allons nous pencher de manière plus attentive et plus longue sur les modalités. En étudiant des scénarii fictifs, la France n’ayant pas encore engagé une telle réforme, nous allons voir quels systèmes nous pourrions intégrer. Quel périmètre géographique pour les listes ? Quel seuil et quelle modalité de calcul pour la répartition des sièges ? Quelle flexibilité de vote pour les citoyennes et les citoyens ? Discuter d’une modalité permettra d’échanger sur d’autres, de nombreuses caractéristiques étant liées entre-elles comme le seuil, le style de liste et le nombre de sièges à répartir. A certaines occasions, nous pourrons combiner différents sujets, issus d’un même aspect comme le seuil naturel et le seuil évolutif, objet de ce premier article. Pour conclure sur cette présentation introductive de #LaProportionnelleEn12Modalités, comme pour de précédents articles de #LaProportionnelleEn100Mots, nous discuterons d’exemples étrangers. Comment ne pas parler de l’adoption du vote unique transférable ou d’un système compensatoire sans évoquer nos voisins irlandais et allemands ?

Seuils naturel et évolutif : que sont-ils ?

Pour débuter cette nouvelle série d’articles, nous allons parler des seuils naturel et évolutif. Bien que ces modèles peuvent être vus comme distants, nous pouvons effectuer certaines connexions intéressantes, démontrant la richesse de la proportionnelle. Nous pouvons avouer dès maintenant que combiner ces deux systèmes semble compliqué à l’heure actuelle en France, du fait par exemple de la multitude de partis politiques, notamment à gauche de l’échiquier politique. En quoi consistent-ils ? Nous les avions déjà présenté, mais nous allons les revoir de nouveau.

Le seuil naturel : Une élection est dite au seuil naturel lorsque la répartition des sièges s’effectue entre tous les partis ayant dépassé le score suivant : 100% divisé par le nombre de sièges. S’il y a 5 sièges, alors le seuil naturel est de 20%. S’il y en a 150 comme aux Pays-Bas, alors le seuil naturel est de 0,67%.

Le seuil évolutif : Le seuil évolutif peut être interprété selon des regards très différents. Le plus « commun » est l’application que font de la proportionnelle certains pays d’Europe centrale, pour ne citer qu’eux, comme la Slovaquie où selon le nombre de partis politiques alliés, le seuil de représentation varie. Si un parti concourt seul, il doit atteindre 5% des voix pour avoir une représentation parlementaire tandis que si la liste est composée de 2 ou 3 partis, ils devront avoir [ensemble] 7% des voix tandis qu’au-delà, il faut faire au moins 10%.

En ayant un raisonnement peu orthodoxe, nous pouvons voir le seuil évolutif comme un seuil tout à fait classique. En effet, si nous regardons la taille de nombreuses circonscriptions, dans de nombreux cas, atteindre le seuil officiel ne permet pas d’être représenté. Lorsque nous avons présenté les circonscriptions interrégionales, utilisées aux européennes françaises de 2004 à 2014, nous avons évoqué ce fait. Les 6,38% du Front de Gauche dans la circonscription Nord-Ouest, composée de 10 sièges, ne lui ont pas permis d’envoyer un représentant au Parlement Européen en 2014. Ce fut également le cas pour les 9,64% de la liste Front National en 2004 pour la circonscription de 6 sièges Massif Central – Centre. Aux dernières générales espagnoles, Sumar n’a pas eu de siège malgré ses 14,3% dans la circonscription de Castellón, comportant 5 sièges. Pour conclure sur ces quelques exemples, on estime par exemple que si nous adoptions le système départemental, il faudrait obtenir 7% dans un département envoyant 10 députés et 13% s’il y en a deux fois moins.

Désormais, parlons de l’introduction de l’un de ces seuils ou des deux dans nos élections. Même si nous ne l’abordons que peu, nous concentrant habituellement sur les seules élections législatives, nous pourrons toucher aussi ici aux autres scrutins : régionaux, départementaux et municipaux.

Notre Assemblée nationale : des scénarii aux multiples opportunités

Pour commencer pleinement notre article, regardons ce que l’adoption du seuil naturel ou du seuil évolutif ferait à la représentation de notre Assemblée nationale. A l’exception des élections législatives de 1986, aucune forme de proportionnelle n’a été utilisée, et celle-ci était loin d’être pure puisque sous format départemental. Nous enchaînons les scrutins majoritaires débouchant sur des hémicycles non représentatifs du vote des citoyennes et des citoyens au premier tour, y compris en 2022, bien que cette élection ait été qualifiée (à tort) de « proportionnelle ». Avant de nous appesantir vraiment sur le seuil naturel et le seuil évolutif dans le cadre des législatives, nous allons citer des modes que nous pourrions utiliser : circonscriptions avec des listes nationales compensatoires, circonscriptions avec des listes régionales régionales compensatoires, listes régionales avec seuil naturel, listes nationales avec seuil évolutif, listes départementales, circonscriptions départementales avec vote transférable, listes nationales avec seuil naturel,…

Elisons l’Assemblée au seuil naturel

Ici trois scénarii dont l’un se rapproche de manière extrêmement forte aux élections législatives de 1986 ainsi qu’aux propositions de réforme du scrutin législatif. En effet, pourrait être couplé le seuil naturel à un cadre départemental, entraînant de ce fait une limitation de ces effets. Rares sont les départements envoyant en nombre des députés, la plupart en ayant de 1 à 5, ce qui correspondrait à un seuil naturel minimal de 20% pour nombre de territoires. A moindre d’alliances, seuls les grands partis pourraient tirer leur épingle du jeu et nombre de courants idéologiques ne seraient pas ou peu représentés, contrevenant ainsi au principe même de la proportionnelle et de la juste représentation. Nous pouvons souligner ici l’importance des modalités de la proportionnelle : un principe juste de juste représentation mais pouvant être dévoyé par des aspects contraires tel que la prime majoritaire (défendue par certains courants et aujourd’hui appliqué aux élections régionales et municipales).

Avec une liste nationale, toute liste serait représentée tant qu’elle obtient 0,17% des voix dans le cas d’un maintien à 577 députés. Ainsi chaque courant politique aurait une chance d’être effectivement représenté dans toute sa richesse et sa diversité. En effectuant une comparaison peu orthodoxe, en dupliquant les résultats des européennes de 2019, cela aurait permis à des listes comme celles de Coordination nationale des indépendant, de Lutte Ouvrière ou des Patriotes d’être présents dans l’hémicycle. Nous aurions ici la proportionnelle la plus pure qui soit bien que d’aucun pourraient dire que certaines listes pourraient ne pas avoir de représentation parlementaire.

Ce score serait différent en fonction des régions : 1,03% en Île-de-France ce qui aurait par exemple permis au Parti Animaliste d’avoir 1 siège, 3,7% en Bretagne, 4,35% en Centre Val de Loire,… En ce qui concerne la région Corse et les territoires ultra-marins, ce seuil aurait été beaucoup plus élevé, à moindre qu’elles soient fusionnés en un ou plusieurs ensemble comme cela était le cas pour l’outre-mer aux européennes pré-2019 avec trois zones. De manière générale, les principales orientations politiques pourraient y être représentées voire même des mouvements plus locaux, présents dans certains territoires comme la Bretagne.

Petit focus sur un seuil évolutif aux législatives

Et si à l’image de pays d’Europe centrale et balkanique, nous élevions le seuil de représentativité en cas d’alliance de partis ? L’impact serait certainement bien plus grand au niveau régional, sans parler du niveau départemental, que nous passions de notre seuil classique des 5% ou à un seuil compris entre ce dernier et le seuil naturel. Plus un territoire envoie un nombre réduit de représentants, plus le seuil est élevé. Comme de nombreux cas, la question de la jauge serait extrêmement importante et impacterait d’autant plus la représentativité finale de l’Assemblée.

Régionales : un avenir inspiré des couleurs du passé ?

Il y a quelques élections régionales, le système utilisé était plus proportionnel que celui que nous connaissons actuellement. Dans un précédent article de #LaProportionnelleEn100Mots nous en avions présenté rapidement les modalités. Certains critères sont demeurés les mêmes tandis que d’autres ont évolué. Des élections de 1998 (dernières au précédent modèle) à celles de 2004 (premières du modèle actuel), nous avons conservé le principe de listes départementales et d’un seuil de 5%. Toutefois, nous avons introduit des critères plus restrictifs : un second tour avec un seuil de qualification au-dessus des 5% (à 10% en métropole et variable en outre-mer et Corse) et l’obligation de se présenter dans l’ensemble des départements. Nous pouvons également citer une autre évolution : auparavant, les sièges étaient répartis au niveau départemental entre les listes ayant dépassé 5% ; désormais il faut dépasser ce score au niveau régional.

Quid de régionales au seuil évolutif ?

Si le choix était fait d’un seuil évolutif, ce ne serait pas sans incohérence (regrettable selon notre humble avis), avec le principe des alliances engagées au second tour. En effet, et cela se voit majoritairement à gauche désormais, à l’issue du second tour des fusions de listes ont lieu. Toutefois, l’existence de petits partis / partis satellites font que dès le départ, des candidatures régionales intègrent de multiples partis. Par exemple, lors des élections de 2021 dans la Région Grand-Est, les deux principales listes de gauche réunissaient une douzaine de partis différents : d’un côté, les écologistes, les communistes et les socialistes ainsi que d’autres mouvements comme Nouvelle Donne et Génération Ecologie derrière la candidature d’Eliane Romani, de l’autre les sociaux-démocrates de Générations avec La France Insoumise, Place Publique ou encore les radicaux de gauche soutenant l’ancienne Ministre Aurélie Filippetti. Face à ces listes, d’autres rassemblements de partis avec par exemple, l’UDI et le Mouvement de la Ruralité derrière la liste LR du Président Jean Rottner ou encore l’union de la majorité présidentielle avec La République En Marche, le MoDem et d’autres partis étant désormais dissous au sein de Renaissance.

Se poserait du fait de ces nombreuses alliances, la question du nombre de partis au-delà duquel le seuil deviendrait plus important et des effets que cela pourrait entraîner, s’il devait être (très) élevé. Contrairement au seuil naturel, l’existence de seuils évolutifs restrictifs permettrait d’avoir quelques partis principaux représentés tandis que les autres perdraient en « influence ». En effet, et nous allons nous éloigner du contexte régional, si nous regardons nos voisins ayant la proportionnelle, ceux-ci n’ont qu’un nombre de partis assez limité représentés au Parlement ou dans certaines instances (à l’exception par exemple des Pays-Bas). En Allemagne, ils sont six : l’AFD (nationaux-conservateurs), la CDU et son antenne bavaroise de la CSU (chrétiens-démocrates), le FDP (libéraux-démocrates), Grüne (écologistes), SPD (sociaux-démocrates) et Linke (socialisme démocratique) ; auxquels nous pouvons ajouter dans une moindre mesure les Electeurs Libres (libéraux-conservateurs). D’autres partis existent mais obtiennent des scores très faibles au niveau des länder et fédéral.

Même si cela réduirait les chances de certains mouvements et alliances, un seuil évolutif dès le premier tour, avec en toute logique la suppression d’une prime de sièges (25% dans la majorité des cas) déboucherait sur des hémicycles régionaux plus représentatifs qu’aujourd’hui. Si nous reprenons l’exemple du Grand-Est, et que nous imaginons que des alliances d’au moins 5 partis doivent dépasser les 8%, alors la liste LR aurait eu 56 sièges, la liste RN 38 sièges, 26 pour la liste écologiste-communiste-socialiste, 20 pour la majorité présidentielle, 16 pour Générations/La France Insoumise et 13 pour Les Patriotes. A contrario, si ce seuil était passé par exemple à 10%, la liste Générations-LFI n’aurait pas été présente dans l’hémicycle contrairement à celle de Les Patriotes malgré un score moins élevé pour ceux-ci. Un exemple « similaire » aux élections slovaques de 2020 dont nous avons déjà parlé.

Des Conseils Régionaux au seuil naturel

Autre possibilité : passer d’élections de 2 tours à 1 tour sans véritable seuil. Que se passerait-il si désormais nous élisions nos conseillères et conseillers régionaux au seuil naturel, comme cela se fait aux Pays-Bas ? Spoiler : les hémicycles en deviendraient bien plus représentatifs même si en fonction des régions, certaines listes auraient plus de chances que d’autres d’avoir des sièges.

En effet, d’importantes disparités existent selon les régions, notamment quand nous regardons les territoires ultra-marins. Ce n’est pas la même chose de faire plus de 2% quand on se présente en Guadeloupe (2,44% du fait de 41 sièges) que de dépasser 0,48 ou 0,49% en Île de France ou en Auvergne Rhône-Alpes. Nous pouvons toutefois souligner que quelque soit le cas, il s’agit là de scores bien plus aisés à atteindre que les critères actuels et que la représentation finale serait bien plus proportionnelle. Par exemple, en Île de France sur les 5 listes n’ayant pas atteint les 5% (permettant de fusionner avec une liste en ayant fait au moins 10%), seule la liste d’union autour des fédéralistes européens de Volt aurait été absente in fine de l’hémicycle. Lutte Ouvrière, avec ses 1,47% aurait pu avoir 3 sièges, ce qui est certes peu mais aurait pu lui permettre de défendre ses idées à la région. A l’exception de la liste autour de la Présidente Valérie Pécresse, toutes auraient été gagnantes : des listes absent de l’hémicycle ayant de 1 à 4 sièges aux listes d’opposition gagnant de nombreux sièges. Du fait des 23 points d’écart entre les deux premières listes, la majorité relative de la liste de droite autour de cette dernière aurait été conséquente : 48 sièges environ.

Format région ou format département ?

En préambule de cette partie sur des régionales à la proportionnelle à 1 tour avec un seuil naturel ou évolutif, nous avons rappelé que sous de précédentes élections, la répartition des sièges ne s’effectuait qu’en fonction du score obtenu par la liste départementale. Il n’y avait même pas l’obligation de déposer des listes dans l’ensemble des départements.

Ici, la proportionnalité du scrutin serait différente si la répartition des sièges s’effectue en fonction du score départemental ou du score régional. Par exemple, une liste dans le format seuil évolutif dépassant par exemple les 8% dans 2 départements sur 5, pourrait n’avoir des sièges que dans ces territoires. Toutefois, avec un seuil naturel départemental, les 4 listes que nous citions plus haut n’auraient pu avoir de sièges du fait d’un nombre de sièges insuffisamment important. Pour la plus juste représentation des forces politiques, le format région serait donc le plus adapté tout en permettant le maintien d’une des règles actuelles ; répartition des sièges au niveau départemental au prorata des scores obtenus ; ce qui nécessiterait sans doute quelques calculs compliqués.

Une nouvelle ère pour les départementales ?

L’utilisation du seuil naturel ou du seuil évolutif révolutionnerait nos élections départementales d’autant plus que la proportionnelle en est totalement absente. Au contraire des élections municipales, régionales et européennes, les scrutins départementaux fonctionnent sur un scrutin majoritaire à deux tours de binômes paritaire. Nous avions vu, il y a bientôt 3 ans dans le cadre d’un thread sur X (anciennement Twitter) que le système actuel pouvait entraîner d’importantes distorsions entre le vote des électeurs au premier tour et la répartition finale des sièges. L’un des cas que nous avions évoqué était celui du Département des Yvelines, constitué uniquement de 2015 à 2021, d’élus de la majorité (absolue) départementale de droite et de centre-droit. Les dernières élections n’ont par ailleurs rien changé à cela.

Quand nous parlions ci-dessus des élections régionales, nous avions mis en avant la présence de multiples étiquettes politiques, notamment à gauche. La configuration des départementales est assez différente puisque le Ministère de l’Intérieur en reconnaît un nombre limité et que plusieurs sont considérées comme des « divers », principalement du côté gauche de la politique. Des binômes venant de partis différents peuvent être ainsi homologués comme des « union de la droite et du centre », « divers gauche » ou encore « union de la gauche et des écologistes ».

Comme précédemment, penchons-nous sur l’introduction de la proportionnelle avec ou bien un seuil naturel ou bien un seuil évolutif. Ce serait l’évolution d’un modèle étant arrivé en 2015 puisqu’auparavant, les Conseils Départementaux n’étaient pas paritaires et c’est bien l’unique avantage du modèle actuel, ayant mis fin aux élus uniques par cantons.

Seuil naturel : place à plus de choix, de diversité et de représentativité

Imaginons que nos conseils départementaux soient élus au scrutin de liste avec autant de candidates et candidats que de places à pourvoir (voire un petit surplus de suppléants comme cela se fait sur des élections de listes telles que les européennes ou les sénatoriales (hors scrutin majoritaire)). Pour obtenir une représentation, chaque liste devrait dépasser un seuil variant en fonction des départements et aurait un nombre de sièges en conséquence. En Corrèze, une liste obtiendrait une représentation d’au moins 1 conseiller, si elle dépasse 2,63% (38 sièges à pourvoir) tandis que dans la Collectivité Européenne d’Alsace ce seuil serait de 1,25% des voix (80 sièges). A moindre d’une réduction du nombre de conseillers dans chaque département, toute liste dépassant les 3,85% (26 élus en Lozère) serait assurée d’être représentée. Un seuil inférieur à notre tradition politique et pouvant permettre une importante diversité politique.

L’utilisation de ce système et plus encore de la proportionnelle aurait par exemple permis au Rassemblement National et à l’extrême-droite d’avoir plusieurs sièges au Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales. En 2021, ils ont obtenu au premier tour 29,14% des voix, soit 3 points de plus que les candidatures de droite (et de leurs alliés) et moins d’1 point que celles de la gauche. Pourtant, ils n’ont eu aucun siège contre 20 et 14 respectivement. Si la répartition peut être compliquée du fait de la diversité à gauche, ils auraient dû être la première force du département ou à part quasiment égale avec la gauche et devant la droite. Nous pouvons imaginer qu’ils auraient eu avec de telles règles un minimum de 10 sièges.

Nous souhaitons noter ici que l’exemple des départementales 2021 n’est pas forcément le plus adapté du fait de l’impact de la pandémie. Toutefois, l’impact de ce système sur la diversité des forces au sein des conseils départementaux aurait été majeur. Par ailleurs, certains partis et mouvements idéologiques pourraient tenter leur chance sans être tenu de se présenter dans le cadre d’alliances.

Un seuil évolutif aux départementales

Et si perdurait l’existence d’alliances entre partis aux élections départementales mais qu’une contrainte supplémentaire leur était posée ? En effet, plusieurs partis peuvent faire le choix de se présenter ensemble. Aujourd’hui, leur seule obligation est d’être dans les deux premiers binômes ou d’obtenir 12,5% des inscrits pour accéder au second tour. Quid désormais avec le passage à un tour unique de la mise en place d’un seuil évolutif ? Un score devant être dépassé par les listes d’alliances d’un certain nombre de partis. Par exemple, si trois partis s’unissaient aux départementales, ils devraient faire plus pour être représentés que celles à parti unique ou deux partis.

Nous pouvons dire des choses extrêmement variées à ce sujet. Premièrement, nous pouvons admettre, bien que nous considérons le seuil évolutif comme une distorsion du principe proportionnel, que ce système serait plus favorable au principe de justice électorale qu’aujourd’hui. Deuxièmement et de manière corrélée à la première, à moindre, d’un seuil exagérément très élevé, il pourrait y avoir une représentation riche idéologiquement.

Un chamboule tout aux municipales ?

Regardons désormais l’échelon le plus local, celui des municipalités. Contrairement aux législatives, régionales et départementales, plusieurs systèmes existent actuellement. Selon la taille des municipalités, les citoyennes et citoyens ne votent pas de la même manière. Dans les villes de moins de 1000 habitants, qui représentent les deux-tiers des communes françaises, le système majoritaire plurinominal est utilisé tandis que pour les autres communes, le système proportionnel plurinominal. Dans les deux cas, il s’agit d’un système à deux tours, sauf si la victoire (ou les victoires) est acquise dès le premier tour ce qui est généralement la norme. En 2020, les électrices et électeurs d’1 commune 7 ont dû se déplacer dans le cadre d’un second tour comme le rapporte le site Vie Publique.

Contrairement aux départementales, régionales et législatives, nombre de scrutins s’effectuent avec une seule liste, ce qui ici ne changerait rien. Quel que soit le système, l’ensemble des sièges reviennent à la liste unique, la proportionnelle intégrale, le système majoritaire ou le « vote préférentiel » n’y changeant rien. En présence de plusieurs listes, le scrutin municipal à la proportionnelle est loin d’être juste du fait de la prime majoritaire. Par exemple, un second tour avec 4 listes où celles font peu ou prou le même score, autour de 25%, verrait la liste arrivée en tête avoir près des deux-tiers des sièges. Un déséquilibre particulièrement parlant et ne correspondant en rien au suffrage des électrices et des électeurs.

L’introduction d’une proportionnelle intégrale, avec seuil naturel ou seuil évolutif révolutionnerait donc les élections municipales dans le cas où plusieurs listes soient présentes. La justice électorale serait de mise bien qu’il faille souligner que le seuil évolutif serait plus difficilement applicable. Une raison simple vient de l’absence d’étiquettes politiques dans un certain nombre de communes même si des partis peuvent soutenir des listes de manière plus ou moins éloignée. Il s’agit même d’un des faits les plus remarquables pour les élections municipales, l’étiquette joue un rôle moins phare que dans d’autres scrutins. Le seuil naturel permettrait dans les communes de plus de 3 500 habitants, ayant au moins 27 élus, d’élire des représentants de listes n’ayant pas atteint le seuil des 5% pour fusionner avec une liste en ayant fait au moins 10%.

Nous pouvons noter une particularité, présente également dans le scrutin régional. La liste arrivée en tête au premier tour n’est pas nécessairement celle obtenant la majorité des sièges au second tour. Ce fut le cas par exemple au Kremlin-Bicêtre (Val de Marne). La liste du maire sortant arrivée en tête avec 22,5% des voix a perdu au second tour contre son prédécesseur (19,3%) qui lui avait laissé la main et qui avait fusionné avec une autre liste. A elles deux, elles ont obtenu au second tour près de 70% des sièges alors qu’elles représentaient plus de deux fois moins de voix au premier tour. Par ailleurs, deux listes auraient pu être représentées au Conseil à travers le seuil naturel, l’une ayant fait plus de 5% et qui aurait pu fusionner.

En conclusion,…

En conclusion, en passant de nos systèmes actuels à un système au seuil naturel ou seuil évolutif, nos hémicycles municipaux, départementaux, régionaux et de l’Assemblée nationale en ressortiraient bien plus proches du vote des électrices et des électeurs. Le bémol classique serait avec l’adoption pour les législatives du modèle départemental 1986. Une diversité de représentantes et de représentants plus élevée, un déséquilibre des forces absents après par exemple la suppression des primes et des seconds tours. Le seuil naturel permettrait d’atteindre la quasi-perfection proportionnelle mais avantagerait les territoires les plus grands, par exemple si nous maintenions le même nombre d’élus dans les conseils régionaux, départementaux et municipaux actuels. Cependant le progrès serait incontestable. Des élections au seuil naturel ou au seuil évolutif seraient possibles comme le seraient des élections avec d’autres formes de juste représentation, certaines pouvant être cumulées entre-elles voire avec le seuil naturel ou évolutif comme le vote préférentiel ou le vote unique transférable.

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Histoire & Elections Pays

De la Diète au Sénat : parlons des élections parlementaires polonaises 2023

Aujourd’hui, les électrices et électeurs polonais se rendent aux urnes pour renouveler les deux chambres de leur Parlement : la Diète ou Sejm, qui est leur chambre basse, et leur chambre haute à savoir le Sénat. Ces élections se déroulent quatre années après le précédent scrutin à l’issue des quatre années de la mandature. A l’issue de ces élections, le gouvernement national-conservateur de Mateusz Morawiecki avait obtenu un nouveau mandat pour diriger la Pologne.

Les membres des deux chambres sont désignés selon des modes de scrutin différents. D’un côté, le scrutin majoritaire et de l’autre côté un système proportionnel. Concernant le Sénat, ses 100 membres sont élus dans autant de scrutins uninominaux à 1 tour. A l’inverse, la Diète est élue sur un mode de scrutin fonctionnant à la proportionnelle dans un nombre plus réduit que les 100 circonscriptions du Sénat. Ses 460 membres viennent de 41 circonscriptions. La taille de ces dernières varie de manière traditionnelle en fonction du nombre d’habitantes et d’habitants, si bien qu’elles envoient de 7 à 19 députés. Pour obtenir des sièges à la Diète, un seuil de 5% au niveau national, et non pas de la circonscription, est utilisé pour les partis se présentant seuls tandis qu’en ce qui concerne les coalitions, et celles-ci étant la règle, il passe à 8%. Notons que la minorité allemande est exemptée du seuil des 5% si bien que son faible nombre de voix lui permet jusqu’à présent d’être représentée au Parlement. Les électrices et électeurs accordent leurs voix à des membres de la liste, ces dernières n’ayant comme obligation paritaire que d’avoir au moins 35% de membres de chaque sexe, et la répartition des sièges pour chaque liste s’effectue sur les candidates et candidats ayant reçus le plus de suffrages de manière individuelle.

Lors des précédentes élections de 2019, si la coalition de la Droite Unie avait conservé sa majorité absolue avec un nombre de sièges identique (235) au Sejm, elle avait perdu de nombreux sièges au Sénat ainsi que sa majorité (48). Cette alliance était dominée par le parti Droit et Justice, ayant 199 sièges d’un côté et 44 de l’autre. A côté de l’alliance gouvernementale, quatre coalitions se répartissaient les autres sièges tandis que la minorité allemande conservait le dernier sièges. La coalition autour de la Plate-forme Civique (centristes, libéraux, écologistes et progressistes) obtint 134 sièges à la Diète, en recul de 32 sièges, mais progressa au Sénat avec 43 sièges soit un gain de 9 sièges. L’alliance de gauche (social-démocratie) revint au Parlement après y avoir disparue suite aux élections de 2015, devenant la troisième force de la Diète avec 49 sièges et en obtenant 2 au Sénat. La troisième alliance de l’opposition, la Coalition Polonaise, autour du Parti paysan (agrarisme) mais dont la principale force était Kukiz’15 (populiste), regressa avec 30 sièges contre 58 auparavant, le Kukiz’15 perdant un total de 36 sièges. Enfin, la Confédération, alliance de partis de droite et d’extrême-droite, obtint 11 sièges.

Pour ces élections de 2023, quelques évolutions ont touché les coalitions se présentant aux élections. Auparavant membre de la Coalition Polonaise, le Kukiz’15 fait désormais partie de l’alliance gouvernementale. A l’inverse, le parti libéral-conservateur Alliance a quitté la coalition de la Droite Unie pour se fondre dans un accord tripartite avec la Coalition Partite et le nouveau parti démocrate-chrétien et écologiste Pologne 2050, ceux-ci constituant l’alliance Troisième Voie. Il est par ailleurs extrêmement important de souligner que trois des cinq coalitions se sont unies pour les élections sénatoriales, présentant des candidats communs dans la quasi-totalité des 100 circonscriptions. La Coalition Civique (49 candidatures), la Troisième Voie (29 candidatures) et La Gauche (14 candidatures) se sont unies, d’autres candidatures uniques étant soutenues dont deux membres sortants et précédemment membre de Droit et Justice.

Si nous regardons les sondages pour la Diète, nous pouvons voir que l’opposition est en tête même si le seuil des 8% pourrait fortement favoriser le gouvernement sortant, certaines alliances n’étant pas assurées d’obtenir ce score. En effet, lorsqu’un parti ne franchit pas ce seuil, c’est le parti arrivé en tête qui en sort renforcé puisque récupérant les points et sièges. Si nous regardons respectivement les pourcentages et sièges, la Droite Unie devrait obtenir entre 31 et 35% (avec une moyenne autour de 190 sièges) soit, la Coalition Civique autour de 27/28% (entre 145 et 155 sièges), la Troisième Voie entre 8 et 12% (40 à 50 sièges), soit un score similaire à La Gauche (entre 30 et 50 sièges) tandis que la Confédération tournerait autour des 8% (30/35 sièges). Ici, bien plus que dans d’autres pays, chaque pourcent est important pour les coalitions entraînant d’importantes variations en nombre de sièges voire empêchant une représentation à la Diète. Pour conclure, si l’opposition devrait les 231 sièges de la majorité absolue, elle ne devrait cependant pas obtenir les 3/5ème des sièges permettant de renverser le véto présidentiel, l’actuel détenteur du poste étant du parti Droit e Justice.

Il n’y a toutefois pas que des élections parlementaires aujourd’hui au Sénat, le gouvernement polonais organisant 4 référendums sur des sujets sensibles comme l’immigration, pour favoriser la mobilisation de son électorat.

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Histoire & Elections Pays

Luxembourg : Nouvelle élection à la D’Chamber

Demain 8 octobre, les électrices et électeurs luxembourgeois se rendront aux urnes pour renouveler la D’Chamber ou Abgeordnetenkammer, leur Chambre des Députés, leur Parlement monocaméral. Une proportionnelle plurinominale est utilisée pour désigner les 60 membres de cette assemblée, avec une large ouverture pour les votantes et votants.

Premièrement, l’élection se déroule dans un total de 4 circonscriptions. Deux envoient un nombre plutôt « restreint » de députées et députés, à savoir les circonscriptions Nord et Est avec 9 et 7 sièges chacune. A l’inverse, les circonscriptions Centre (où se trouve la capitale) et Sud en ont 21 et 23. Deuxièmement, aucun seuil n’est utilisé dans la répartition des sièges bien que dans les faits, et avec le système d’Hagenbach-Bischoff, celle-ci dépend du score et du nombre de sièges à répartir. Cela a pu être visible lors des dernières élections de 2018, le mandat étant de 5 ans, dans la plus petite des circonscriptions où les 9,58% d’un parti ne lui ont pas permis d’être représenté. Troisièmement, chaque électrice et chaque électeur a autant de voix que de sièges à pourvoir dans sa circonscription. Différents choix s’offrent à lui : il peut voter pour une liste entièrement et auquel cas chaque membre de la liste reçoit une voix comme il peut voter pour les candidates et candidats de son choix avec le principe du panachage. Ici, il peut voter pour des membres de listes différentes. Par ailleurs, il a également la possibilité d’accorder deux voix à une même personne. L’électrice ou l’électeur doit toutefois faire attention de ne pas donner plus de voix qu’il en dispose, sinon son/ses vote(s) ne sont pas pris en compte, le bulletin devenant invalide. Par ailleurs, dans certains cas, assez rares, la possibilité est offerte de voter pour une liste et de placer des voix supplémentaires sur d’autres candidates et candidats, à condition que la dite liste ne soit pas complète. La répartition des sièges au sein de la liste s’effectue avec celles et ceux ayant obtenu le plus de voix. Plurinominalité, panache et vote préférentiel sont ainsi les trois maîtres mots du vote aux législatives luxembourgeoises, permettant des listes ouvertes et des choix très ouverts. Nous verrons plus loin que la juste représentation n’est pas entièrement là.

Les dernières élections ont vu dix listes concourir dont huit sur l’ensemble des circonscriptions ; Démocratie s’étant présenté dans les circonscriptions Sud et Centre et le Parti Conservateur uniquement dans la première. Sept partis ont obtenu à l’issue des élections une représentation parlementaire, les Pirates y accédant pour la première fois. La coalition gouvernementale du Parti Démocratique (DP, libéraux de centre-droit), des sociaux-démocrates du Parti Ouvrier Socialiste Luxembourgeois (LSAP) et des écologistes de Les Verts (Gréng) a conservé la majorité absolue, bien que l’équilibre fut modifié. Ces derniers ont gagné 3 sièges, tandis que les sociaux-démocrates en ont perdu autant et les libéraux 1, ces derniers devenant le premier parti de la coalition gouvernementale. Avec les 12 sièges des libéraux, les 10 des sociaux-démocrates et les 9 des verts, 31 sièges étaient pour la coalition sortante qui fit le choix de poursuivre l’aventure ensemble. Les démocrates-chrétiens et conservateurs du Parti Populaire Chrétien (CSV) Social demeurèrent premier avec 21 sièges, soit une baisse de 2 sièges et de 5 points obtenant leur plus mauvais score depuis 4 décennies. Le Parti Réformiste d’Alternative Démocratique (APR), nationaux-conservateurs, passa de 3 à 4 sièges. Les Pirates (PPL) et La Gauche eurent quant à eux 2 sièges chacun. Le dernier parti, que nous n’avons pas mentionné jusqu’à présent, le Parti Communiste Luxembourgeois, n’obtint aucun siège tout comme les partis ne s’étant présenté que dans une partie du territoire.

Si nous regardons les scores obtenus respectivement par les partis, nous pouvons dire toutefois qu’il ne s’agit pas d’une proportionnelle parfaite puisque les disparités selon les circonscriptions peut faire apparaître quelques distorsions. En effet, si le Parti Démocrate obtint 12 sièges pour 16,92% des voix, les sociaux-démocrates en eurent que 10 pour 17,6%.

Les élections de demain vont voir concourir trois partis supplémentaires/nouveaux. Les sondages, extrêmement peu nombreux puisqu’il y en a eu que 9 depuis les dernières élections, montrent qu’il ne devrait pas y avoir beaucoup de bouleversements. Toutefois, le fait qu’ils soient peu nombreux rend difficile les comparaisons. Nous n’allons évoquer que les deux derniers, seuls de l’année 2023 en juin et septembre. Les démocrates-chrétiens du CSV semblent assurer de demeurer le premier parti du pays bien qu’ils devraient être promis à une nouvelle baisse, d’environ 2 sièges et très légère en voix. Les sociaux-démocrates du LSAP devraient progresser d’environ 2 points et 2 sièges, et logiquement repasser devant les libéraux du DP. Le DP pourrait perdre 1 siège environ avec un score quasiment similaire aux dernières élections. Le dernier parti de la coalition gouvernement, Les Verts, pourrait perdre 2 sièges environ et quelques points. Notons ici un point intéressant : entre le sondage de juin et celui de septembre, les écologistes ont perdu 2,1 points tandis que les sociaux-démocrates en ont gagné 1,9. Les évolutions de ces deux partis semblent assez liées. En ce qui concerne les autres partis représentés au Parlement, l’ADR devrait connaître une petite baisse même s’ils perdraient 1 des 4 sièges et La Gauche devrait conserver les 2 sièges qu’il a actuellement avec un score à peu près équivalent à 2018. Enfin, Les Pirates pourraient connaître non seulement la plus belle hausse en sièges comme en voix, autour de 3 points et 3 sièges, soit à peu près équivalent au LSAP. Ainsi, il devrait continuer à y avoir 7 partis au Parlement et les partis de la coalition gouvernementale, dirigeant ensemble depuis les élections de 2013 devraient continuer à avoir une majorité des sièges. La répartition des sièges va dépendre des scores respectifs dans les circonscriptions, comme nous avons pu le voir précédemment.

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Focus sur les élections slovaques pour la Národná rada

Ce samedi 30 septembre, les électrices et électeurs slovaques renouvelleront les membres de la Národná rada, la chambre unique du Parlement slovaque. Il s’agit d’élections anticipées, convoquées longtemps à l’avance par les députés puisqu’un vote en ce sens s’est déroulé le 31 janvier, soit 8 mois plus tôt. Les dernières élections ont eu lieu le 29 février 2020.

Le Parlement slovaque est composé de 150 membres. Ceux-ci sont élus à la proportionnelle intégrale dans une circonscription unique nationale. Une importante particularité s’exerce autour du score à obtenir pour une liste afin d’être représentée. En effet, il existe un seuil de base permettant la répartition des sièges, celui-ci étant de 5%. Toutefois, comme nous avons pu le voir dans un article thématique, d’autres seuils plus restrictifs s’appliquent. En effet, dans le cadre de coalition de plusieurs partis, les listes doivent obtenir un score plus important. Une alliance de deux ou trois partis est tenue de dépasser les 7% tandis qu’une alliance d’au moins 4 partis a un seuil de 10% à franchir. Ces particularités peuvent entraîner la non-représentation au Parlement de coalitions comme ce fut le cas en 2020 avec l’union de Progresívne Slovensko, parti de la Présidente élue en mars 2019, Zuzana Čaputová, et Demokrati qui n’obtinrent que 6,96% soit 0,04 point de moins. Ces seuils évolutifs sont présents dans d’autres pays de la région et pourraient être fatals ce samedi à certains partis, comme nous le verrons plus loin quand nous aborderons les sondages.

Par ailleurs, la Slovaquie est l’un des pays utilisant le vote préférentiel et les listes ouvertes, avec la possibilité pour les électrices et les électeurs de faire monter jusqu’à 4 candidates et candidats dans la liste de leur choix. En lien avec les seuils, deux autres caractéristiques sont intéressantes à mentionner : tout parti dépassant les 2% se voit restituer la caution de 17.000€ exigée pour se présenter ; tout parti ayant dépassé les 3% lors des précédentes élections peut se voir accorder une subvention.

6 partis ou coalitions de partis furent représentés à l’issue des élections de 2020. Le Smer – Sociale Démocratie qui dirigeait le gouvernement et qui perdit 10 points, 11 sièges et sa position de « leader incontesté » du Parlement. Ce parti fut fortement impacté par l’assassinat deux années auparavant du journaliste Ján Kuciak et de sa compagne, ce premier qui enquêtait sur des affaires en lien avec des proches du pouvoir. Le Premier Ministre de l’époque, Robert Fico, démissionna quelques semaines plus tard et laissa la place à Peter Pellegrini, en poste au moment des élections. Le Smer, parti social-démocrate et nationalistes de gauche, perdit face aux conservateurs et démorates-chrétiens d’Ol’aNo-Nova qui obtint plus du tiers des sièges (53). Les nationaux-conservateurs de Sme Rodina se classèrent troisième avec 17 sièges à égalité avec les néofascites du Parti Populaire « Notre Slovaquie ». L’alliance proche de la Présidente Zuzana Čaputová se classa cinquième mais comme nous en avons parlé plus haut, ne fut pas représentée dans l’assemblée nouvelle n’ayant pas dépassé le seuil lui étant dévolu. Ce ne fut pas le cas des deux derniers partis représentés : les libéraux de Sloboda a Solidarita avec 6% et 13 sièges et d’un autre nouveau parti centriste Za ľudí et ses 12 sièges.

Regardons maintenant le Conseil National sortant qui est bien différent de celui élu en 2020. D’importantes scissions ont eu lieu sur l’ensemble de l’échiquier politique. Quelles sont-elles ? Nous pouvons compter une première scission entre les deux anciens Premier Ministre issus du Smer, puisque Peter Pellegrini a fondé à l’été 2020 le HLAS et que celui-ci compte une petite dizaine de sièges, désormais plus europhile tandis que Robert Fico s’est rapproché du dirigeant hongrois Orban. Une autre importante scission est celle d’Ol’ano. D’un côté, nous avons l’ancien Premier Ministre des élections de 2020, Igor Matovič, qui dirigea la Slovaquie pendant une courte année. Igor Matovič démissionna après une crise gouvernementale liée au Covid-19. De l’autre, son successeur Eduard Heger qui a repris en mars 2023 la présidence de Démocrates, l’un des partis de l’alliance proche de la Présidente. Ceux-ci, qui n’avaient donc aucun siège en 2020, en ont désormais 16, soit plus de 10% du Parlement. Les autres évolutions importantes sont liées au parti Za ľudí, qui par la suite de crises successives passa de 12 sièges à 1 siège unique. Ceux-ci sont partis ou bien chez Démocrates, ou bien à Slovaquie positive, ou pour la majorité au Sloboda a Solidarita. Ces derniers sortent renforcés de la mandature puisqu’ils sont passés de 13 à 20 sièges.

Parlons désormais des trois gouvernements s’étant succédés en trois longues années. Au printemps 2020, ce fut une coalition quadripartite qui se forma avec Ol’aNo-Nova, Sme-Rodina, Sloboda a Solidarita et Za ľudí sous la houlette d’Igor Matovič. Aux derniers jours de mars 2021, les ministres issus de Sloboda a Solidarita (SaS), démissionnèrent ce qui entraîna par la suite la fin du gouvernement. Après avoir été absents du gouvernement pendant quelques jours, ils revinrent dans le nouveau gouvernement, désormais dirigé par Eduard Heger. Un an et demi plus tard, les ministres issus du SaS (re)-démissionnèrent et leur parti ne soutint plus le gouvernement, désormais minoritaire. Mi-décembre 2022, celui-ci fut renversé et désormais chargé des affaires courantes. Fin janvier, comme nous l’avons vu en début d’article, des élections anticipées furent convoquées (après l’échec d’un référendum sur le même sujet dû à un quorum non atteint) par un vote des parlementaires. Au mois de mai, le gouvernement qui était techniquement désormais soutenu par Les Démocrates (dont plusieurs membres étaient au gouvernement parmi lesquels le Premier Ministre), démissionna. Suite à cela, la Présidente chargea une personnalité publique et non-politique, de former un gouvernement de technocrates jusqu’aux élections de septembre. Depuis le mois de mai, c’est donc Ľudovít Ódor qui est Premier Ministre et qui n’a pas obtenu la confiance des députés.

Pour conclure, regardons à quoi pourrait ressembler cette prochaine chambre. Avec les scissions et alliances nouvelles s’étant forgées, le visage du nouveau Parlement sera bien différent, comme le montre les sondages. Deux partis sont en lutte pour la première place : les nationalistes du Smer (Robert Fico, Premier Ministre jusqu’en 2018) et Slovaquie Progressiste (dont est issue Zuzana Čaputová), même si les premiers ont un petit avantage malgré une petite baisse ces dernières semaines. Le Smer est donné de 18 à 22% tandis que SP est désormais autour de 18-19%. Ol’aNo (Igor Matovič Premier Ministre de 2020 à 2021) et son nouveau partenaire Pour le Peuple ne sont pas garantis de dépasser les 7%. En effet, les sondages montrent qu’ils fluctuent de 6 à 8% alors qu’après les élections ils avaient à eux deux 65 sièges sur 150. Son successeur de droite devrait, lui aussi, être logiquement exclu du Parlement avec son parti des Démocrates, les sondages ne les ayant donné qu’une fois depuis ledébut d’année au-dessus des 5%. La coalition bipartite autour de l’ancien Premier Ministre Pellegrini devrait elle être troisième autour de 12% et d’une vingtaine de sièges. En ce qui concerne les partis non dirigés par les derniers Premier Ministre, jusqu’à 5 supplémentaires pourraient être représentés. Le SaS devrait se maintenir autour des 6-7% de 2020. Les chrétiens-démocrates du KDH devraient être au Parlement avec un score similaire après avoir manqué de justesse en 2016 et 2020 le seuil des 5%. Sme-Rodina n’est pas garanti de rester au Parlement, tournant tout de même autour des 5%. Les nationalistes du Parti National Slovaque pourraient revenir également puisqu’ils évoluent autour des 5,5/6%. Le dernier parti issu des dernières élections de 2020, Parti Populaire « Notre Slovaquie » devrait également être exclu du Parlement, au profit d’un autre mouvement néofasciste, issu d’une scission avec le précédent ; les premiers étant à 2% tandis que les seconds à 8%.

Pour conclure, nous pouvons dire que les scissions vont transformer le Parlement. De nombreux partis pourraient le quitter, d’anciens Premier Ministre pourraient voir leurs mouvements disparaître, les nouveaux partis pourraient faire disparaître ceux dont ils étaient issus, des alliances pourraient entraîner des pertes.

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Pays

100 mots sur les élections monténégrines

Le Parlement du Monténégro, chambre unicamérale, est élu à la proportionnelle intégrale. Les 81 sièges sont répartis dans une circonscription nationale unique avec des listes bloquées à la méthode d’Hondt.

Le seuil principal est de 3%, ce qui est relativement peu élevé, nombre de pays étant à 4/5%. Ce seuil est plus faible pour les partis représentant des minorités (serbes, bosniaques, albanaises, croates). Si ces minorités représentent au moins 15% d’un district, alors le seuil est abaissé pour ces partis à 0,7% pour un maximum de 3 sièges, avec une autre exception pour les partis croates (0,35% pour 1 siège).

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Modalités

La population de la circonscription en 100 mots

Nous parlons souvent de pureté de la proportionnelle, celle-ci dépendant beaucoup du nombre d’habitants dans la circonscription et du nombre de sièges à distribuer.

Une circonscription peu peuplée, même avec un seuil peu élevé ne permettra pas une juste représentation. Dans de nombreux pays, et même en France pour les anciennes circonscriptions interégionales européennes, des partis peuvent dépasser le seuil voire avoir de bons scores et y être pourtant privés de sièges.

Nous pouvons voir ici l’intérêt de grandes circonscriptions ou des sièges compensatoires, venant corriger les failles du système. Une alerte pour la possibilité de revenir au modèle 1986.

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Modalités Pays

Les seuils évolutifs en 100 mots

Traditionnellement, les seuils électoraux sont fixes au niveau national, pouvant varier en fonction des circonscriptions locales. D’autres pays appliquent des seuils plus élevés dans le cadre de coalitions de partis, notamment en Europe orientale et centrale.

Certains ont jusqu’à trois seuils comme la République Tchèque, l’Arménie (de 4% à 10% pour les coalitions quadripartites) et la Moldavie (de 2 à 11%). En Pologne, les coalitions doivent obtenir 8%.

Aux élections slovaques 2020, la coalition de la Présidente Zuzana Čaputová (PS-SPOLU) n’entra pas au Parlement obtenant 6,96% des voix, le seuil étant de 7%. Désormais, l’Albanie n’a plus de seuil différencié.

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Histoire & Elections

Les élections de 1945 en 100 mots

En octobre 1945, un référendum et des législatives eurent lieu. Organisées sur le modèle départemental, elles furent par ailleurs les premières élections nationales auxquelles purent participer les femmes après les municipales de mai et virent 33 d’entre-elles être élues.

Cette assemblée avait pour objectif de rédiger une nouvelle Constitution, et être relativement conforme au vote des électeurs, avec trois grands blocs : socialiste, communiste et démocrates-chrétiens, aux côtés des radicaux et des républicains.

Ce modèle fut utilisé par la suite aux élections de juin et de novembre 1946, avant l’adoption de la loi sur les apparentements qui bouleversa complètement la donne.

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Histoire & Elections Pays

Des provinces aux Cortes Generales : focus sur les élections générales espagnoles de 2023

Demain, les électrices et les électeurs espagnoles se rendront aux urnes pour pour renouveler les membres des Cortes Generales, c’est-à-dire les assemblées de leur Parlement Bicaméral. A l’image de la France ou des États-Unis, l’Espagne dispose d’un Sénat (Senado) et d’un Congrès des Députés (Congreso de los Diputados). Initialement prévues pour la fin de l’année, le Premier Ministre sortant a convoqué des élections anticipées suite à l’échec du gouvernement aux élections municipales et régionales de la fin du mois de mai.

Pedro Sánchez, issu du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) est Premier Ministre depuis juin 2018 après la chute de Mariano Rajoy (Parti Populaire). Il gouverne depuis janvier 2020 avec Unidas Podemos, mouvement situé à la gauche de la gauche, et les socialistes catalans. Cette alliance s’est composée après les élections anticipées de novembre 2019 qui avait suivies celles d’avril, également appelées avant l’heure. Cette alliance, n’ayant pas une majorité des sièges, a pu bénéficier dans le cadre de son investiture de votes positifs ou d’abstentions de partis régionaux.

En effet, de nombreux mouvements politiques issus des comunidades autónomas (communautés autonomes) existent et sont représentés au Parlement espagnol, et plus particulièrement au Congrès. Nous pouvons citer le Parti National Basque, la Coalition Canarienne ou encore de nombreux partis, notamment catalans, rattachés ou proches de partis politiques nationaux. Au total, ceux-ci ont plus de 60 sièges sur les 350 que comptent le Congrès et plus de 30 sur les 208 élus par les citoyennes et les citoyens (le reste étant désigné par les communautés avec 1 minimum plus 1 siège par million d’habitants).

Terruel (1 siège sur 3), Cantabrie (1 sur 5), Valence (1 siège sur), Galice, Canaries Par ailleurs, nous pouvons noter que ces partis régionaux peuvent être « très » puissants dans leurs communautés autonomes. Au Pays Basque, sur les 18 sièges, 6 sont actuellement occupés par le Parti National Basque (nationaliste de centre-droite) et 5 par EH Bildu (gauche indépendantiste). Les partis locaux sont également fortement représentés en Catalogne, à l’inverse des partis nationaux, puisque sur 48 sièges, le Parti Populaire (droite), Ciudadanos (centre) et Vox (extrême-droite) n’en ont que 2 chacun, les autres partis étant pour des équivalents locaux de partis nationaux : 12 pour les socialistes catalans et 7 pour l’équivalent de Podemos. Ces partis régionaux sont également présents et plus ou moins forts en Galice, aux Canaries ou encore en Cantabrie, dans certains cas plus au niveau d’une des provinces de la communauté autonome. Toutefois, des « régions » ne connaissent peu ou pas « l’influence » de ces mouvements comme l’Andalousie ou Madrid.

Comme nous avons vu le sous-entendre, les élections générales espagnoles s’organisent au niveau des provinces. Au nombre de 52, celles-ci élisent un certain nombre de députés et de sénateurs. A l’exception de deux provinces uninominales, chaque circonscription a d’office deux sièges à attribuer, le nombre variant ensuite en fonction de sa population. Ce chiffre est ainsi extrêmement variable, avec nombre de circonscriptions ayant entre 2 et 4 députés, ne garantissant pas d’obtenir un siège même avec un score conséquent. Ce sujet est également valable pour des circonscriptions de taille intermédiaire puisque les 8,2% de Vox en Galice (8 sièges) ne lui ont pas permis d’être représentés de même que les 7,44% de Ciudadanos en Murcie (10 sièges). Il s’agit ici d’un problème que nous pouvons soulever avec le modèle départemental privilégié en France si nous devions adopter la proportionnelle intégrale aux élections législatives. A côté, certaines circonscriptions envoient de nombreux voire très nombreux députés, permettant par exemple à de « petits » partis d’être représentés comme Más País avec 5,65% a obtenu 2 sièges à Madrid (37 sièges). Les « petits » partis sont toutefois très peu nombreux, puisque si nous excluons les mouvements régionaux, seuls Más País (2,41% au niveau national sans avoir candidaté dans tous les territoires) et les animalistes (0,94%) ont obtenu des scores « corrects », les autres ayant moins de 0,1%.

Au Congrès des Députés, pour pouvoir espérer obtenir un siège, une liste présentée par un parti doit dépasser les 3% dans la circonscription, ce seuil augmentant en fonction de combien sont à attribuer. Il est de 25% pour des circonscriptions ayant de 3 sièges par exemple. Par ailleurs, il y a reconnaissance du vote blanc, ce qui augmente de facto ce seuil. En ce qui concerne le Sénat, les circonscriptions sont différentes : les 47 provinces se situant sur la péninsule ont chacune 4 sénateurs tandis que les îles ont entre 1 et 3 sièges. Par ailleurs, dans les circonscriptions élisant 3 ou 4 sénateurs, les électeurs peuvent voter pour plusieurs candidates et candidats, un de moins que la circonscription en dispose. Une forme de vote préférentiel en conséquence.

Concernant les élections de demain, deux informations sont à noter sur les partis se présentant. Premièrement, les libéraux de Ciudadanos ont renoncé à candidater. Entrés en 2015 à la Chambre des Députés avec 40 sièges, ils ont légèrement diminué l’année suivante avec 32 sièges avant une forte augmentation aux premières élections de 2019, où ils ont récolté 57 sièges. Les dernières élections ont vu leur chute puisqu’ils sont passés de 15,86 à 6,79% et les sondages depuis plus d’un an leurs promettaient un score probablement inférieur à 2%. A côté, une alliance électorale s’est formée à gauche du PSOE avec figure de proue Sumar, dirigée par la Ministre du Travail, Yolanda Díaz, et rejointe par Podemos et de nombreux partis, notamment écologistes et régionaux.

Les derniers sondages montrent que le Parti Populaire devrait logiquement redevenir le premier parti, ayant un score compris entre 32 et 35% environ 140 sièges). Si les sondages anticipent une légère baisse par rapport à il y a quelques semaines et quelques mois, ils obtiendraient toutefois un score bien plus important qu’en 2019 (20,8% – 89 sièges). Les dernières enquêtes montrent que leur probable alliance avec Vox serait majoritaire ou quasi-majoritaire, ceux-ci pouvant obtenir un score légèrement inférieur que précédemment (autour de 12-14% contre 15,1%). Concernant le PSOE, le parti di Premier Ministre Sánchez pourrait se maintenant autour des 28%, comme en 2019 mais en perdant sa première place. Enfin, Sumar devrait se classer quatrième, avec un score presque similaire à Vox.

Pour conclure, le système espagnol est loin d’être une proportionnelle intégrale parfaite, du fait de la taille des circonscriptions. Si nous comparons les scores des principaux partis, ceux se présentant sur l’ensemble du territoire, nous pouvons remarquer des distorsions. Par exemple, avec 6,8 des voix en novembre 2019, Ciudadanos a obtenu 10 sièges, soit 3,5 fois moins que les alliances Podemos qui ont fait 12,9%. Autre comparaison, plus orthodoxe, Podemos a obtenu 2,7 sièges par pourcentage de voix tandis que le Parti Populaire et le PSOE près de 4,3 sièges. Vox en a eu 3,45 et Ciudadanos 1,47. Un système favorisant donc les plus grands partis, ce qui est « compréhensible » du fait du nombre limité de sièges dans de nombreux circonscriptions-provinces.

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Arguments Modalités

100 mots sur la proportionnelle compensatoire

Parmi les modèles de proportionnelle intégrale, nous pouvons trouver le système compensatoire. Ce dernier consiste à attribuer des sièges complémentaires ou supplémentaires à des listes en fonction de leur score, généralement national, afin que leur représentation totale soit cohérente avec le nombre de voix obtenues.

En Allemagne, les sièges viennent compléter le nombre de sièges obtenus dans des circonscriptions uninominales. En Scandinavie, les sièges peuvent être distribués aux « meilleurs perdants ». Dans d’autres, cela peut se faire dans une circonscription nationale suite à des distributions régionales de sièges.

En France, cela permettrait d’allier les tendances d’ancrage territorial et de juste représentation.