
Comme nous l’avons tous appris à l’école, la Grèce est le berceau de la démocratie (même s’il s’agissait d’une démocratie très incomplète via le prisme moderne). A l’époque, les Athéniens utilisaient la démocratie directe pour le vote des lois et de la plupart des autres décisions et le tirage au sort pour la plupart des fonctions exécutives.
De nos jours, la démocratie grecque rentre dans les standards des démocraties européennes. Un Parlement monocaméral constitué de 300 députés, un Gouvernement issu de ce Parlement, et également un Président au rôle purement représentatif élu par le Parlement. Mais il y a une particularité : pour l’élection des députés, un mode de scrutin mixte est utilisé, et il s’avère que celui-ci a fortement bougé ces dernières années. Explications.
Sans remonter trop loin, ces dernières années le mode d’élection des députés s’établissait ainsi : le parti arrivé en tête obtenait 50 députés d’emblée, et les 250 autres étaient répartis à la proportionnelle entre les partis ayant dépassé 3% des suffrages exprimés. Concrètement, il suffisait donc pour un parti d’obtenir 40,4% (voire moins suivant le pourcentage obtenus par les tout petits partis exclus du partage proportionnel) pour avoir la majorité absolue des sièges. Cela s’est produit à de nombreuses reprises au cours des années, les dernières fois ayant été en 2009 et en 2019.
C’est un mode de scrutin que nous connaissons bien en France, puisque nous l’employons pour les élections régionales et municipales. Mais il y a deux différences : pour ces deux élections, nous avons deux tours quand les Grecs règlent cela en un tour, et notre calcul s’effectue en pensant aux pourcentages tandis qu’eux ont fixé un nombre de sièges prédéfini. Nombre qui correspond, si on le transfère en pourcentage, à 16,66% des sièges, tandis qu’aux régionales françaises la prime s’élève à 25%, et aux municipales cela dépasse même les 50%.
Mais, après les élections de septembre 2015, le gouvernement dirigé par Aléxis Tsípras (SYRIZA, gauche) fait passer en juillet 2016 une loi réformant le mode de scrutin. L’élément le plus fondamental est la suppression de la prime majoritaire, sans changement du nombre total de députés (qui restent donc 300). Des élections se sont tenues en 2019, mais cette réforme n’a pas été appliquée, car il n’y a pas eu de vote à la majorité qualifiée des deux tiers. Elle s’appliquera aux prochaines élections, qui devraient se tenir en 2023.
Et l’histoire aurait pu s’arrêter là, avec la Grèce qui abandonne donc un système, la prime majoritaire, qui déforme clairement les résultats d’un scrutin de manière arbitraire. Notons qu’il s’agit d’un outil fort rare, qui n’est utilisé que dans une poignée de pays (nous y consacrerons prochainement un article général).
Mais à la suite des élections de 2019, le nouveau gouvernement dirigé par Kyriákos Mitsotákis (Nouvelle Démocratie, droite conservatrice) fait passer en janvier 2020 une nouvelle loi qui annule la mise en place de la proportionnelle intégrale. Ce n’est pas un rétablissement de l’ancien système avec une prime directe de 50 députés, c’est une prime progressive allant de 20 députés (si le parti arrivé en tête obtient 25% des suffrages) à 50 députés (si ce parti obtient 40% des sièges). Mais, comme il n’y a également pas eu de majorité qualifiée des deux tiers cette fois-ci, la mise en place de cette réforme n’aura lieu que pour les élections suivantes, théoriquement en 2027. Bien entendu, si une majorité progressiste gagne en 2023, cela peut encore bouger. Affaire à suivre donc.