
Ce samedi 30 septembre, les électrices et électeurs slovaques renouvelleront les membres de la Národná rada, la chambre unique du Parlement slovaque. Il s’agit d’élections anticipées, convoquées longtemps à l’avance par les députés puisqu’un vote en ce sens s’est déroulé le 31 janvier, soit 8 mois plus tôt. Les dernières élections ont eu lieu le 29 février 2020.
Le Parlement slovaque est composé de 150 membres. Ceux-ci sont élus à la proportionnelle intégrale dans une circonscription unique nationale. Une importante particularité s’exerce autour du score à obtenir pour une liste afin d’être représentée. En effet, il existe un seuil de base permettant la répartition des sièges, celui-ci étant de 5%. Toutefois, comme nous avons pu le voir dans un article thématique, d’autres seuils plus restrictifs s’appliquent. En effet, dans le cadre de coalition de plusieurs partis, les listes doivent obtenir un score plus important. Une alliance de deux ou trois partis est tenue de dépasser les 7% tandis qu’une alliance d’au moins 4 partis a un seuil de 10% à franchir. Ces particularités peuvent entraîner la non-représentation au Parlement de coalitions comme ce fut le cas en 2020 avec l’union de Progresívne Slovensko, parti de la Présidente élue en mars 2019, Zuzana Čaputová, et Demokrati qui n’obtinrent que 6,96% soit 0,04 point de moins. Ces seuils évolutifs sont présents dans d’autres pays de la région et pourraient être fatals ce samedi à certains partis, comme nous le verrons plus loin quand nous aborderons les sondages.
Par ailleurs, la Slovaquie est l’un des pays utilisant le vote préférentiel et les listes ouvertes, avec la possibilité pour les électrices et les électeurs de faire monter jusqu’à 4 candidates et candidats dans la liste de leur choix. En lien avec les seuils, deux autres caractéristiques sont intéressantes à mentionner : tout parti dépassant les 2% se voit restituer la caution de 17.000€ exigée pour se présenter ; tout parti ayant dépassé les 3% lors des précédentes élections peut se voir accorder une subvention.
6 partis ou coalitions de partis furent représentés à l’issue des élections de 2020. Le Smer – Sociale Démocratie qui dirigeait le gouvernement et qui perdit 10 points, 11 sièges et sa position de « leader incontesté » du Parlement. Ce parti fut fortement impacté par l’assassinat deux années auparavant du journaliste Ján Kuciak et de sa compagne, ce premier qui enquêtait sur des affaires en lien avec des proches du pouvoir. Le Premier Ministre de l’époque, Robert Fico, démissionna quelques semaines plus tard et laissa la place à Peter Pellegrini, en poste au moment des élections. Le Smer, parti social-démocrate et nationalistes de gauche, perdit face aux conservateurs et démorates-chrétiens d’Ol’aNo-Nova qui obtint plus du tiers des sièges (53). Les nationaux-conservateurs de Sme Rodina se classèrent troisième avec 17 sièges à égalité avec les néofascites du Parti Populaire « Notre Slovaquie ». L’alliance proche de la Présidente Zuzana Čaputová se classa cinquième mais comme nous en avons parlé plus haut, ne fut pas représentée dans l’assemblée nouvelle n’ayant pas dépassé le seuil lui étant dévolu. Ce ne fut pas le cas des deux derniers partis représentés : les libéraux de Sloboda a Solidarita avec 6% et 13 sièges et d’un autre nouveau parti centriste Za ľudí et ses 12 sièges.
Regardons maintenant le Conseil National sortant qui est bien différent de celui élu en 2020. D’importantes scissions ont eu lieu sur l’ensemble de l’échiquier politique. Quelles sont-elles ? Nous pouvons compter une première scission entre les deux anciens Premier Ministre issus du Smer, puisque Peter Pellegrini a fondé à l’été 2020 le HLAS et que celui-ci compte une petite dizaine de sièges, désormais plus europhile tandis que Robert Fico s’est rapproché du dirigeant hongrois Orban. Une autre importante scission est celle d’Ol’ano. D’un côté, nous avons l’ancien Premier Ministre des élections de 2020, Igor Matovič, qui dirigea la Slovaquie pendant une courte année. Igor Matovič démissionna après une crise gouvernementale liée au Covid-19. De l’autre, son successeur Eduard Heger qui a repris en mars 2023 la présidence de Démocrates, l’un des partis de l’alliance proche de la Présidente. Ceux-ci, qui n’avaient donc aucun siège en 2020, en ont désormais 16, soit plus de 10% du Parlement. Les autres évolutions importantes sont liées au parti Za ľudí, qui par la suite de crises successives passa de 12 sièges à 1 siège unique. Ceux-ci sont partis ou bien chez Démocrates, ou bien à Slovaquie positive, ou pour la majorité au Sloboda a Solidarita. Ces derniers sortent renforcés de la mandature puisqu’ils sont passés de 13 à 20 sièges.
Parlons désormais des trois gouvernements s’étant succédés en trois longues années. Au printemps 2020, ce fut une coalition quadripartite qui se forma avec Ol’aNo-Nova, Sme-Rodina, Sloboda a Solidarita et Za ľudí sous la houlette d’Igor Matovič. Aux derniers jours de mars 2021, les ministres issus de Sloboda a Solidarita (SaS), démissionnèrent ce qui entraîna par la suite la fin du gouvernement. Après avoir été absents du gouvernement pendant quelques jours, ils revinrent dans le nouveau gouvernement, désormais dirigé par Eduard Heger. Un an et demi plus tard, les ministres issus du SaS (re)-démissionnèrent et leur parti ne soutint plus le gouvernement, désormais minoritaire. Mi-décembre 2022, celui-ci fut renversé et désormais chargé des affaires courantes. Fin janvier, comme nous l’avons vu en début d’article, des élections anticipées furent convoquées (après l’échec d’un référendum sur le même sujet dû à un quorum non atteint) par un vote des parlementaires. Au mois de mai, le gouvernement qui était techniquement désormais soutenu par Les Démocrates (dont plusieurs membres étaient au gouvernement parmi lesquels le Premier Ministre), démissionna. Suite à cela, la Présidente chargea une personnalité publique et non-politique, de former un gouvernement de technocrates jusqu’aux élections de septembre. Depuis le mois de mai, c’est donc Ľudovít Ódor qui est Premier Ministre et qui n’a pas obtenu la confiance des députés.
Pour conclure, regardons à quoi pourrait ressembler cette prochaine chambre. Avec les scissions et alliances nouvelles s’étant forgées, le visage du nouveau Parlement sera bien différent, comme le montre les sondages. Deux partis sont en lutte pour la première place : les nationalistes du Smer (Robert Fico, Premier Ministre jusqu’en 2018) et Slovaquie Progressiste (dont est issue Zuzana Čaputová), même si les premiers ont un petit avantage malgré une petite baisse ces dernières semaines. Le Smer est donné de 18 à 22% tandis que SP est désormais autour de 18-19%. Ol’aNo (Igor Matovič Premier Ministre de 2020 à 2021) et son nouveau partenaire Pour le Peuple ne sont pas garantis de dépasser les 7%. En effet, les sondages montrent qu’ils fluctuent de 6 à 8% alors qu’après les élections ils avaient à eux deux 65 sièges sur 150. Son successeur de droite devrait, lui aussi, être logiquement exclu du Parlement avec son parti des Démocrates, les sondages ne les ayant donné qu’une fois depuis ledébut d’année au-dessus des 5%. La coalition bipartite autour de l’ancien Premier Ministre Pellegrini devrait elle être troisième autour de 12% et d’une vingtaine de sièges. En ce qui concerne les partis non dirigés par les derniers Premier Ministre, jusqu’à 5 supplémentaires pourraient être représentés. Le SaS devrait se maintenir autour des 6-7% de 2020. Les chrétiens-démocrates du KDH devraient être au Parlement avec un score similaire après avoir manqué de justesse en 2016 et 2020 le seuil des 5%. Sme-Rodina n’est pas garanti de rester au Parlement, tournant tout de même autour des 5%. Les nationalistes du Parti National Slovaque pourraient revenir également puisqu’ils évoluent autour des 5,5/6%. Le dernier parti issu des dernières élections de 2020, Parti Populaire « Notre Slovaquie » devrait également être exclu du Parlement, au profit d’un autre mouvement néofasciste, issu d’une scission avec le précédent ; les premiers étant à 2% tandis que les seconds à 8%.
Pour conclure, nous pouvons dire que les scissions vont transformer le Parlement. De nombreux partis pourraient le quitter, d’anciens Premier Ministre pourraient voir leurs mouvements disparaître, les nouveaux partis pourraient faire disparaître ceux dont ils étaient issus, des alliances pourraient entraîner des pertes.