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Des provinces aux Cortes Generales : focus sur les élections générales espagnoles de 2023

Demain, les électrices et les électeurs espagnoles se rendront aux urnes pour pour renouveler les membres des Cortes Generales, c’est-à-dire les assemblées de leur Parlement Bicaméral. A l’image de la France ou des États-Unis, l’Espagne dispose d’un Sénat (Senado) et d’un Congrès des Députés (Congreso de los Diputados). Initialement prévues pour la fin de l’année, le Premier Ministre sortant a convoqué des élections anticipées suite à l’échec du gouvernement aux élections municipales et régionales de la fin du mois de mai.

Pedro Sánchez, issu du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) est Premier Ministre depuis juin 2018 après la chute de Mariano Rajoy (Parti Populaire). Il gouverne depuis janvier 2020 avec Unidas Podemos, mouvement situé à la gauche de la gauche, et les socialistes catalans. Cette alliance s’est composée après les élections anticipées de novembre 2019 qui avait suivies celles d’avril, également appelées avant l’heure. Cette alliance, n’ayant pas une majorité des sièges, a pu bénéficier dans le cadre de son investiture de votes positifs ou d’abstentions de partis régionaux.

En effet, de nombreux mouvements politiques issus des comunidades autónomas (communautés autonomes) existent et sont représentés au Parlement espagnol, et plus particulièrement au Congrès. Nous pouvons citer le Parti National Basque, la Coalition Canarienne ou encore de nombreux partis, notamment catalans, rattachés ou proches de partis politiques nationaux. Au total, ceux-ci ont plus de 60 sièges sur les 350 que comptent le Congrès et plus de 30 sur les 208 élus par les citoyennes et les citoyens (le reste étant désigné par les communautés avec 1 minimum plus 1 siège par million d’habitants).

Terruel (1 siège sur 3), Cantabrie (1 sur 5), Valence (1 siège sur), Galice, Canaries Par ailleurs, nous pouvons noter que ces partis régionaux peuvent être « très » puissants dans leurs communautés autonomes. Au Pays Basque, sur les 18 sièges, 6 sont actuellement occupés par le Parti National Basque (nationaliste de centre-droite) et 5 par EH Bildu (gauche indépendantiste). Les partis locaux sont également fortement représentés en Catalogne, à l’inverse des partis nationaux, puisque sur 48 sièges, le Parti Populaire (droite), Ciudadanos (centre) et Vox (extrême-droite) n’en ont que 2 chacun, les autres partis étant pour des équivalents locaux de partis nationaux : 12 pour les socialistes catalans et 7 pour l’équivalent de Podemos. Ces partis régionaux sont également présents et plus ou moins forts en Galice, aux Canaries ou encore en Cantabrie, dans certains cas plus au niveau d’une des provinces de la communauté autonome. Toutefois, des « régions » ne connaissent peu ou pas « l’influence » de ces mouvements comme l’Andalousie ou Madrid.

Comme nous avons vu le sous-entendre, les élections générales espagnoles s’organisent au niveau des provinces. Au nombre de 52, celles-ci élisent un certain nombre de députés et de sénateurs. A l’exception de deux provinces uninominales, chaque circonscription a d’office deux sièges à attribuer, le nombre variant ensuite en fonction de sa population. Ce chiffre est ainsi extrêmement variable, avec nombre de circonscriptions ayant entre 2 et 4 députés, ne garantissant pas d’obtenir un siège même avec un score conséquent. Ce sujet est également valable pour des circonscriptions de taille intermédiaire puisque les 8,2% de Vox en Galice (8 sièges) ne lui ont pas permis d’être représentés de même que les 7,44% de Ciudadanos en Murcie (10 sièges). Il s’agit ici d’un problème que nous pouvons soulever avec le modèle départemental privilégié en France si nous devions adopter la proportionnelle intégrale aux élections législatives. A côté, certaines circonscriptions envoient de nombreux voire très nombreux députés, permettant par exemple à de « petits » partis d’être représentés comme Más País avec 5,65% a obtenu 2 sièges à Madrid (37 sièges). Les « petits » partis sont toutefois très peu nombreux, puisque si nous excluons les mouvements régionaux, seuls Más País (2,41% au niveau national sans avoir candidaté dans tous les territoires) et les animalistes (0,94%) ont obtenu des scores « corrects », les autres ayant moins de 0,1%.

Au Congrès des Députés, pour pouvoir espérer obtenir un siège, une liste présentée par un parti doit dépasser les 3% dans la circonscription, ce seuil augmentant en fonction de combien sont à attribuer. Il est de 25% pour des circonscriptions ayant de 3 sièges par exemple. Par ailleurs, il y a reconnaissance du vote blanc, ce qui augmente de facto ce seuil. En ce qui concerne le Sénat, les circonscriptions sont différentes : les 47 provinces se situant sur la péninsule ont chacune 4 sénateurs tandis que les îles ont entre 1 et 3 sièges. Par ailleurs, dans les circonscriptions élisant 3 ou 4 sénateurs, les électeurs peuvent voter pour plusieurs candidates et candidats, un de moins que la circonscription en dispose. Une forme de vote préférentiel en conséquence.

Concernant les élections de demain, deux informations sont à noter sur les partis se présentant. Premièrement, les libéraux de Ciudadanos ont renoncé à candidater. Entrés en 2015 à la Chambre des Députés avec 40 sièges, ils ont légèrement diminué l’année suivante avec 32 sièges avant une forte augmentation aux premières élections de 2019, où ils ont récolté 57 sièges. Les dernières élections ont vu leur chute puisqu’ils sont passés de 15,86 à 6,79% et les sondages depuis plus d’un an leurs promettaient un score probablement inférieur à 2%. A côté, une alliance électorale s’est formée à gauche du PSOE avec figure de proue Sumar, dirigée par la Ministre du Travail, Yolanda Díaz, et rejointe par Podemos et de nombreux partis, notamment écologistes et régionaux.

Les derniers sondages montrent que le Parti Populaire devrait logiquement redevenir le premier parti, ayant un score compris entre 32 et 35% environ 140 sièges). Si les sondages anticipent une légère baisse par rapport à il y a quelques semaines et quelques mois, ils obtiendraient toutefois un score bien plus important qu’en 2019 (20,8% – 89 sièges). Les dernières enquêtes montrent que leur probable alliance avec Vox serait majoritaire ou quasi-majoritaire, ceux-ci pouvant obtenir un score légèrement inférieur que précédemment (autour de 12-14% contre 15,1%). Concernant le PSOE, le parti di Premier Ministre Sánchez pourrait se maintenant autour des 28%, comme en 2019 mais en perdant sa première place. Enfin, Sumar devrait se classer quatrième, avec un score presque similaire à Vox.

Pour conclure, le système espagnol est loin d’être une proportionnelle intégrale parfaite, du fait de la taille des circonscriptions. Si nous comparons les scores des principaux partis, ceux se présentant sur l’ensemble du territoire, nous pouvons remarquer des distorsions. Par exemple, avec 6,8 des voix en novembre 2019, Ciudadanos a obtenu 10 sièges, soit 3,5 fois moins que les alliances Podemos qui ont fait 12,9%. Autre comparaison, plus orthodoxe, Podemos a obtenu 2,7 sièges par pourcentage de voix tandis que le Parti Populaire et le PSOE près de 4,3 sièges. Vox en a eu 3,45 et Ciudadanos 1,47. Un système favorisant donc les plus grands partis, ce qui est « compréhensible » du fait du nombre limité de sièges dans de nombreux circonscriptions-provinces.

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